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SOURGE
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STI-CIT

   Quelques auteurs contemporains risquent d'employer ce verbe au passé: «Pour alors je sourdis chez Monsieur Prérot». (FÉVAL, Châteaupauvre).
   Sourdu se dit en argot pour prendre.

   SOURGE. Adj. Spongieux, léger: du pain sourge, bien levé.
   En roman, sorger signifie surgir.
   Sourge se rattache à sorger ou sourger.

   SOURGEON. Surgeon: «Suivez les fleuves jusqu'à leur source, ce n'est qu'un petit sourgeon à peine reconnaissable». (MONTAIGNE).
   Sorjon et surgeon se disaient pour source dans l'ancienne langue.

   SOURIS-CHAUDE. Chauve-souris: «Je connais maint detteur qui n'est ni souris-chauve, ni buisson, ni canard». (LA FONTAINE, [Fables], La Chauve-souris, le Buisson et le Canard).
   On dit souris-chaude et chaude-souris en France aujourd'hui dans plusieurs départements: «Chauvé la soriz». (Roman de Renart); «Puys la graisse d'axunge de sourys chaulves». (RABELAIS).

   SOURLINGUER. «Rabrouer, envoyer à tous les diables». (CLAPIN).

   SOUTENANCE. Soutien. C'est un bon vieux mot français: J'ai assez mangé pour ma soutenance; «Ne demandoient que la soutenance du corps». (Chroniques de S[aint]-Denis, p. 126).
   À l'Académie, le mot comporte un sens tout différent.

   SOUTIENDRE. Soutenir: «Les Athéniens soutiendront les habitants de l'Atlantide». (MONTAIGNE, Des Canni-bales).

   SOUVENANCE. Mémoire, souvenir: C'est lui qui l'a fait, si j'ai bonne souvenance; Je n'en ai pas de souve-
nance; C'est de ma petite souvenance; «Oh! que j'ai douce souvenance du joli lieu de ma naissance!» (CHATEAUBRIAND); «N'ayant pas grande souvenance de mes premiers ans, je ne vous parlerai de moi qu'à partir de ma première communion». (SAND. [Les] Maîtres sonneurs).
   L'Académie enregistre le mot, mais dit qu'il est vieux. Il est resté jeune en Acadie.

   SQUATTEUR. Qui s'installe sur une terre de l'État non octroyée.

   SQUAW. Sauvagesse, femme aborigène.
   C'est un mot employé surtout par les Anglais. Nous disons taweye de préférence. Squaw et taweye sont des mots souriquois, entrés l'un et l'autre dans la langue.

   STATION. Se dit pour gare de chemin de fer. Nous tenons ce sens de l'Anglais.

   STI-CIT. (Prononcé sticite), sti-là, stelle-là. Pronoms démonstratifs: celui-ci, celui-là, celle-là. Ces formes appartiennent essentiellement à l'ancienne langue.
   Examinons-en l'origine puisque, aussi bien, elles ont le don de faire sourire les savants qui nous font l'honneur de nous visiter et qui, de retour, forts de leur supériorité linguistique, disent et quelquefois écrivent: «Ces Acadiens sont de braves gens, mais ils parlent patois».
   Pour pronoms démonstratifs, l'ancienne langue avait cil, joli vocable, qui fut rejeté au XVIIe siècle en même temps que cestui et écist, dont l[e] s ne se faisait pas entendre. Télescopé en un seul mot, cestui-icist donne sticit, et le t final tombant, stici. Malherbe écrivait cettuy-ci, mais le peuple disait comme nous: sticit. D'ailleurs, cettuy-ci, savamment orthographié, devait donner, même dans la bouche de Malherbe, c'tui-ci ou sti-ci.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.