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STOC
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STOUQUER

   La finale -ist, prononcé itt, n'est qu'une forme de istum. Le français officiel a gardé le t final sonore de eciste, dont il a fait cet, mais il l'a laissé tomber dans ecceistum, qui est devenu ici, puis ci.
   Des exemples vaudront mieux que des explications. Molière fait dire à Scapin ([Les] Fourberies de Scapin, acte II, scène II): «Sti sac». Ailleurs dans Le Médecin malgré lui (acte II, scène I), Lucas dit à Valère: «Il faut tirer l'échelle après ceti-là». Ceti-là, c'est notre sti-là.
   «Morgué c'est stila qui m'a vandu tanton un chat en pouche». (PIERROT ET JANIN, IVe Conférence).
   Mais Scapin, Lucas, Pierrot et Janin sont des paysans. Écoutons les écrivains: «Quand cestuy-ci aura achevé». (Pantagruel). Cestuy-ci se prononçait sti-ci. On trouve dans H. Estienne: «Ceste-là est belle, ceste-ci encore davantage»; «Encore un chant à cestui-ci». (RONSARD, Odes. ler livre); «Sti-ci divartit et fait rire; / Dans stilà l'on trouve à s'instruire». (Sarcelles, lère partie, p. 63); «Des papiers comme stici». (Lettres de Montimartres, p. 8); «Mais pour stila qui veut qu'on l'craigne... / Qu'il y vienne avec ses chaudrons». (Le Pompier du Marais, p. 6); «Stalla pour qui je soupire / Est une parle d'or». (Jérome et Fanchonette, scène VII).
   [D']Aubigné, Brantôme, [du] Bellay, S[aint]-Gelais et la plupart des autres écrivains de l'ancienne langue ont cestui-ci, cestuy-ci, cettui-ci, cestuy-là, cettui-là. C'est la manière d'écrire des mots qui se prononçaient et que nous prononçons: sticit, stilà.
   On trouve, quoique à l'état d'exception, cestui, dans La Fontaine et La Bruyère.
   Remontons plus haut dans la langue. Les serments de 842 [Serments de Strasbourg] nous donne ist et cist.
   Allons encore plus haut; les meilleurs manuscrits de Plaute et de Gaius ont 'ste, 'sta, 'sti. Tout ceci, c'est notre sticit, stilà, stelle-là pour celui-ci, celui-là, celle-là; Vaugelas écrivait
en 1648: «Cettui-cy commence à n'estre plus guère en usage». Il l'était encore en 1607, date de l'établissement de l'Acadie.
   «Cil et ciste étaient dans l'ancienne langue employés à la fois comme pronoms et comme adjectifs». (DARMESTETER, Grammaire, vol. II, p. 117).

   STOC ou STOCK. Assortiment de marchandise: un stock de chaussure; faire l'inventaire de son stock. C'est l'estoc de l'ancien idiome, terme de palais.
   Le mot revient à flot; Gaston Paris nous parle de l'estoc de notre langue.
   Nous le tenons directement de l'anglais quoique l'Académie l'ait, depuis longtemps, admis dans son dictionnaire.

   STOUQUE. Amas de gerbes posées sur pied, ou plus proprement, sur le cul, comme disent les paysans de France, en rangées de trois, quatre ou cinq de manière à ce que, s'appuyant l'une sur l'autre, elles se tiennent solidement debout.
   Les Canadiens appellent cette opération mettre les gerbes en quintaux. La vieille langue avait chinquau pour rangée de cinq gerbes.
   Pour la préserver de la pluie, on couvre la stouque de deux grosses gerbes, l'épi en bas, et accolées par le haut de manière à former un v renversé. Une stouque de douze gerbes, y compris la couverture, doit donner si le rendement est bon un boisseau de grain. Une stouque de dix gerbes s'appelle, je crois, quintal, en France: «Les gerbes sont groupées en forme de trente, la dizième coiffant les neuf autres». (BAZIN, Récit de la Montagne). Il faut deux gerbes pour former la couverture. On appelle dîme une stouque de dix gerbes dans la région de la Moselle. Nous tenons le mot de l'anglais.

   STOUQUER. Mettre en stouque. C'est la même opération qu'en-




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.