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TORRIEU
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TOUCHERON

cheurs de France expédient des torquettes de poisson.

   TORRIEU. Jurement qu'on entend assez fréquemment au Canada. Thor, fils d'Odin, était le dieu de la guerre chez les Scandinaves. Ce jurement semble composé de Thor et de Dieu, prononcé yeu par le paysan canadien (voir ti).

   TORT. Se dit quelquefois pour tordu, mal bâti, contrefait. C'est une relique de la vieille langue de France.

   TORTASSERIES. Pâtisseries aux Îles-Madeleine. Primitif: torteau (voir ce mot).

   TORTEAU. Tourteau, tourte. Torteau, aussi bien que tourteau, est le diminutif de tourte. Le v[ieux] fr[ançais] avait torto, tourteau et tourtel: «Ils jettent claire pate sur cette chaude pierre et en font un petit tourtel, et mangent pour reconforter leur estomac». (FROISSART).
   Torte en vieux français s'est dit pour pain de seigle, du gros pain: «Panis tortatus». (DU CANGE).
   On trouve le mot écrit torteau dans La Curne [de Sainte-Palaye]. Godefroy donne torteau et tourteau.
   En vieux français, tortel d'espisses se disait pour pain d'épices. Jacquou le croquant d'Eugène Le Roy donne tortillon pour torteau.
   Le tourteau était une redevance seigneuriale payable, d'abord en gâteau et ensuite en argent, d'où tourtelage. «Blé en poudre, l'amassent en pâte et en font des tourteaux qu'ils mettent sur une pierre chaude, puis le couvrent de cailloux chauds, et ainsi cuisent leur pain», dit Jacques Cartier (2e voyage, p. 44) en parlant des Sauvages du Canada.
   «Faire tourtel d'autrui pâte», c'est, au dire de [Guillaume de] Machault, manger le bien d'autrui. On trouve tourtelet dans Sagard. Les Normands et les bas Bretons ont une sorte de crabe qu'ils appellent tourteau.
   Le blason de Robespierre — l'apôtre de l'Être suprême avait des quartiers de noblesse — était «d'azur à deux bâtons noueux, cantonnés de quatre tourteaux».

   TORTILLER LE DERRIÈRE (Se). Se dit d'une femme qui marche avec affectation.

   TORTU. Tortueux: «Il y a un canal qui est bien tortu». (DENYS, vol. I, p. 182).
   On trouve tortu pour tortueux dans la Chirurgie de Mondeville.

   TORTU-BOSSU. Contrefait, mal bâti en parlant d'une personne.

   TOUBIE. Tille de frêne dont on fait les paniers.

   TOUCHE. Bouffée de tabac lorsqu'on fume. Tirer une touche, c'est fumer une pipe. L'expression nous vient des Canadiens.

   TOUCHER. Conduire au moyen d'un aiguillon: toucher des boeufs; toucher un cheval; le faire avancer plus rapidement. On touche un cheval avec le fouet, le boeuf avec l'aiguillon: «L'enfant qui touche, pendant que son père tient les mancherons de la charrue». (CASGRAIN, [Légendes canadiennes], La Jongleuse).
   Le mot est bien connu du paysan français. Il ne l'est apparemment pas du Parisien. En tout cas, Louis Veuillot, décrivant les Landes, lui substitut le mot impropre de gouverner: «Un enfant tenant en main quelque branche coupée dans le buisson, gouverne ces êtres inférieurs, les boeufs et les moutons».
   Brantôme applique le mot aux personnes: «M. de Monluc luy avoit dict (à Strozzi) de toucher ses gens devant luy».

   TOUCHERON. Toucheur; qui touche les boeufs.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.