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TRÉMEAU
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TRETOUS

langue. Le mot se prononce treume dans certains départements de France: «Sire, fet-elle, il me faut traime / À une toile que je fais». (Fable, citée par Roquefort.
   Le mot est dans Cotgrave.

   TRÉMEAU. Trumeau. «Les trémeaux ne faisaient que s'élever et n'étaient pas joints par le haut». (SAINT-SIMON).
   Origine allemande.

   TREMPE. Mouillé, humide, trempé. Le foin est trop trempe pour se rentrer; Mes habits sont trempes; Je suis tout trempe: «Je la revois bientôt de pleurs toute trempée». (RACINE, Bérénice, acte II, scène II).
   Nous disons: toute trempe.
   «Tu es tout trempe; va te changer». (MAURIAC, Génitrix).
   Le mot est en usage dans le centre de la France.
   Une trempe, en Berri, est une pluie de longue durée.

   TREMPER. Tremper la soupe, c'est la servir. Au Dictionnaire, c'est «verser le bouillon sur les tranches de pain».

   TREMPETTE. Mot canadien. Le même que trempin ou trempine des Îles-Madeleine. Tranche de pain trempé dans du lait ou de la mélasse.

   TREMPINE. Pain trempé dans de la mélasse aux Îles-Madeleine.

   TRESSAILLIR (Se). Se tressaillir le pied, c'est se donner une entorse au pied, se fouler un nerf. C'est du français dialectal. Le Dictionnaire donne «nerf tressailli», qu'il définit «tendon momentanément sorti de sa place par un effort violent».

   TRESSAILLURE. Entorse.

   TRETOUS ou TERTOUS (par métathèse). Tous sans exception, sans omettre personne. C'est un superlatif comme très saint; littéralement, plus
que tous: trans totum ou trans totos.
   La totale disparition de ce mot du vocabulaire français est due au caprice arbitraire des grammairiens du XVIIe siècle, surtout de Vaugelas, «tyran des mots». Il est universellement en usage chez les Acadiens, comme il l'était dans l'ancienne langue. Les savants de France et du Canada qui nous visitent pouffent de rire en entendant ce mot bizarre de patois. Voyons voire qui ont raison des savants ou des ignorants: «De trestoz veis vos present les corones», De tous les rois je vous présente les couronnes. (Chanson de Roland, XIe siècle); «Humilitict oth per trestoz», Il eut l'humilité par dessus tout. (Vie de saint Léger); «Les oreilles avoit mossues / Et trestotes deus perdues». (Viellece, XIIIe siècle); «De trestons mauls la guarissoit». (La Panthère d'Amour, v. 114); «Il les assembla trestons au chief (bout) de la verrie (plaine)». (JOINVILLE, XIII-XIVe siècle); «N'ayez ja soing que pour grans gens que vous sachés amener; que ilz ne soient trestons bien receips». (ARRAS, [Roman de] Mélusine); «Nous sommes très touts à vous, sacs, papiers, plumes et tout!» (Pantagruel); «Buvons, amis, buvons tretons». (Idem); «Prenons trestons courage». (BRANTÔME); «Vous estes très tout forcené», lit-on dans [La Farce de Maître] Pathelin.
   «Ainsi trestot le jor entier / Chevaucha jusqu'à l'anniter». (Perceval); «Trestout. All, each, or every one, not one excepted». (COTGRAVE). «Et l'on pais gaste trestote la quaresme et après Pasque». (VILLEHARDOUIN); «Or soi parler tretous langages». (JEAN DE MEUNG); «Ils font trestouts la ligne extrème». (MONTAIGNE); «Trestouz». (Roman de Renart); «Nous les desconfirons trestous». (Henri de Vincenne); «La demoiselle a trestout esconté». (Huon de Bordeaux); «Le cerf tant poursuivi, / Que trestoutes ses gens un et autre il perdi». (Berte [aus grands piés]); «Donna li rois à l'endemain / Trestoute sa possession» (MOUS-




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.