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VIRER
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VIROUNER

vées dans la langue dialectale: «Après avoir bien ce qu'on appelle tourné et viré, je vous trouve la femme la plus agréable du monde». (De Bussy-Rabutin à Mme LaFayette); «Tout cela je le veois en moy, selon que je me vire». (MONTAIGNE); «Il alla, il vira, il trotta, il fit si bien qu'il parla au Grand Seigneur comme il voulut». (BRANTÔME, [Vies des hommes illustres et des grands capitaines], «Le Baron de la Garde»); «Tantost sur une coste et tantost il se vire sur l'autre». (RONSARD, [Élégies, mascarades et bergerie], «Élégie V»); «Je le voyais... avec un reste de capot, lequel ils viroient et tournoient». (CHAPELAIN).
   Le mot virer fut populaire en France jusqu'au XVIIe siècle. Il n'eut pas l'heur de plaire à Malherbe, ce qui causa sa chute irrémédiable. Et pourtant, voyez à quels emplois on le mettait. «Il ne scavoyt de quel cousté se virer pour évader le parfum de la vieille». (RABELAIS); «Deux testes, l'une virée vers l'autre». (Idem); «Mardi gras, n't'en vas pas, / On virera des crêpes, / T'en mangeras». (Chanson angevine); «Quand vous vouldrez regarder quelle part que ce soit, vires visaige». (LA TOUR); «Ayant viré dans un canot d'écorce dans le grand bassin du dit Port-Royal». (d'Acadie). (Père Ignace, rapportant la mort d'Aulnay de Charnissay). La Tour intitule un de ses sujets: «Comment elles (les femmes) se doivent contenir sans virer la teste ça ne là»; «Lors vira tout court et dist à Genfroy». (ARRAS, [Roman de] Mélusine).
   Les poètes de la Pléaide raffolent de ce mot; Mistral l'emploie volontiers: «E sieu la sansongnets / Que, son fust en virant, / Fasié la maire-grand». ([Les] Olivades).
   Nonobstant la réprobation de Malherbe, les écrivains contemporains se plaisent à employer ce mot, mais ils le font timidement: «J'ai le coeur transi et la tête me vire». (SAND, [François] le Champi); «Il ne pouvait
venir à bout de le renverser et le faisait virer dans tous les sens». (NERVAL, La Reine des Passions); «Et vers moi vire tes doux yeux, Lisette». (WILLY, Villanelle). «Vire de bord, mon ami Pierre». (Chanson).
   De virer, l'automobilisme a fait virage.

   VIROUNER. Tourner autour; rôder alentour. Fréquentatif de virer, quant au sens.
   Virouner a été formé sur le substantif viron qu'on trouve dans la vieille langue et qui a été conservé en Normandie. Viron a donné aux environs. Le vieux français avait virouner et avironner.
   Le mot a été conservé par nos cousins du centre de la France: «Quand un papillon vient virouner autour de la chandelle, c'est signe de compagnie pour le lendemain». (VERRIER [et ONILLON]); «Elle se mit à la vironner sur son rouet, comme si ce fût un échevau». (SAND, Légendes rustiques). Le sens du nom est ici légèrement différent.
   En roman, comme ici, vironer, c'est tourner à l'entour, et viron est une proposition équivalente à autour en français. Il n'y a pas jusqu'à l'argot des voleurs qui ait recueilli le mot.
   L'expression était d'un usage universel dans l'ancienne langue. Les meilleurs auteurs l'ont employée: «Et tout autour avirounez». (La Panthère d'Amour, v. 13531); «Le diable vostre adversaire environne rugiant comme lion». (Épître de s[aint] Pierre, Traduction de la Bible); «Et par neuf fois l'autel baisa. / Et par neuf fois l'avirouna». (Roman de Brut); «Grant annuy luy environna le coeur, lorsqu'il convint de dire adieu, à sa fille». (La Fille du comte de Pontieu, version du XVe siècle); «D'un cercle d'or son chief avirouna». (Les Narbonnais, v. 2119). Spirale est une ligne faite par voûte en vironnant en forme d'une coquille d'une limace. (PALISSY).
   On trouve le mot dans le [Orson de] Beauvais, dans Merlin, dans la Chirur-




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.