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Le Glossaire acadien

qu'un synonyme en français standard, sans transcription phonétique ni identification. Mais ils contiennent assez souvent des exemples, et l'auteur fait fréquemment des rapprochements avec l'ancienne langue et les parlers régionaux français. L'autre travail lexicographique majeur est réalisé par la Société du parler français au Canada et s'intitule Glossaire du parler français au Canada. Publié à Québec en 1930, année correspondant à la fin de la Renaissance acadienne, il est contemporain du Glossaire acadien de P. Poirier, dont la première édition dans l'Évangéline (B2) était en cours d'impression. Réalisé à la suite d'un véritable travail d'équipe, cet ouvrage contient, ainsi que le précise son sous-titre, «1o les mots et locutions en usage dans le parler de la province de Québec et qui ne sont pas admis dans le français d'école; 2o la définition de leurs différents sens, avec des exemples; 3o des notes sur leur provenance; 4o la prononciation figurée des mots étudiés». Plus ample et plus systématique que les précédents, il a le mérite de fournir pour chaque régionalisme relevé, outre une définition, une transcription phonétique, une localisation géographique au Canada et des considérations sur son emploi dans des parlers régionaux de France.

     Il faut mentionner qu'il y eut avant les travaux majeurs de P. Poirier sur le parler franco-acadien, une étude linguistique descriptive portant sur le parler de la baie des Chaleurs et intitulée Study of an Acadian French Dialect Spoken on the North Shore of the Baie-des-Chaleurs (1908). Il s'agit de la thèse de doctorat de J. Geddes qui la résume dans une communication faite au premier Congrès de la langue française au Canada (1914) sous le titre «Les dialectes français dans le parler franco-acadien». L'étude a le principal défaut de ne porter que sur la langue d'une seule informatrice vivant à Carleton, en Gaspésie, dans une recherche spécifique sur le parler acadien.

     Comment P. Poirier se démarque-t-il des autres lexicographes? L'histoire du texte montre quelques-unes des difficultés qu'il eut à vaincre.


III. Histoire d'un texte

     Le Glossaire est probablement une des oeuvres acadiennes dont l'histoire textuelle est la plus mouvementée et la plus riche. En effet, la principale caractéristique de l'ouvrage est son morcellement et la dispersion de tranches d'articles dans divers recueils et éditions, à telle enseigne qu'on ne peut trouver «une [seule] réalisation concrète (manuscrite ou imprimée qui ser[ve] de fondement à l'établissement13» du texte. C'est, de plus, une oeuvre qu'on a beaucoup annotée et copiée, dans le but de la rééditer et d'en donner le texte le plus complet possible, tâche qui ne fut réalisée qu'en 1977. Il est nécessaire, à partir d'une étude génétique du Glossaire acadien, de tenter d'en reconstituer le texte. Un examen des multiples exemplaires conservés au Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton14 permet de distinguer quatre séries d'états du texte distincts. Parce qu'il s'agit de tranches éparses d'un texte à reconstituer, aucun


13.   Roger Laufer, Introduction à la textologie, Paris, Larousse, 1972, p. 17.
14.   Nous désignerons, dans la suite de cette étude, le Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton au moyen du sigle intégré CEA.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.