ne détient à lui seul l'autorité, et ils doivent se la partager. Parce que des parties du texte ne se trouvent que dans des états postérieurs à la mort de l'auteur, il faut admettre la nécessité de considérer comme «autorisées» des copies tardives, réalisées d'après les manuscrits originaux disparus et plus complètes que les premiers états.
On ne peut omettre de mentionner que des brouillons manuscrits (
D) consti-tuant des «états pré-originaux du texte
15», pour reprendre la terminologie de R. Laufer, ont malheureusement disparu. Ces états du texte, antérieurs à la vraie édition originale, appartiennent à ce qu'il est convenu d'appeler, depuis J. Bellemin-Noël, l'«avant-texte», c'est-à-dire «[l']ensemble constitué par les brouillons, les manuscrits, les épreuves, variantes
16» qui précède et qui annonce en quelque sorte un ouvrage. À l'avant-texte même du
Glossaire acadien se rattachent deux éditions manuscrites, chacune produite en un exemplaire unique, qui ont sans doute été divulguées par l'auteur, entièrement ou partiellement, à un cercle d'amis. Un premier brouillon manuscrit (
D1), dont l'existence est confirmée par des communiqués du
Moniteur acadien et par une pièce de correspondance
17 datés de juillet-août 1887, a été détruit par le feu, lors de l'incendie de la maison du frère de l'écrivain, Fidèle Poirier, où l'auteur résidait et où il travaillait, quand il séjournait dans la région. La livraison du vendredi 11 novembre 1887 du
Moniteur acadien contient un long article anonyme intitulé «Conflagration», qui décrit cet événement et qui fait un bilan des pertes infligées à la ville de Shédiac et à l'auteur, en particulier:
[...] L'honorable sénateur P. Poirier, était à Moncton, durant la conflagration, et quand son frère André entra dans son bureau, pour sauver sa bibliothèque et ses manuscrits la fumée était si intense qu'il lui a fallu rebrousser chemin, de sorte qu'il a perdu sa belle collection d'ouvrages littéraires et tous ses documents historiques y compris son glossaire acadien, qui était presque terminé, et auquel il travaillait constamment tous les jours depuis plus d'un mois. C'est une perte irréparable car il n'est pas probable que M. Poirier entreprenne la rude tâche de refaire un travail auquel il avait consacré plusieurs années18.
Cependant, P. Poirier s'est remis à la tâche et a écrit un deuxième manuscrit en un exemplaire (
D2), qui a lui aussi été détruit par le feu, au cours du célèbre incendie du Parlement fédéral, en 1916, avec tous les autres travaux de l'auteur et sa bibliothèque personnelle. On trouve, d'ailleurs, dans sa correspondance, plusieurs mentions des effets désastreux
19 de ce dernier incendie. Dans son «Introduction» au
Glossaire, il précise bien ces obstacles qu'il a dû vaincre: