Le pauvre typographe avait eu du mal à déchiffrer l'écriture du sénateur; il ne comprenait mot aux citations en vieux français, dont le texte était littéralement bourré, et les estropiait lamentablement. Les incorrections fourmillaient, surtout quand l'auteur ne pouvait corriger lui-même les épreuves; elles provoquaient de vives passes d'armes entre Alfred Roy [rédacteur du journal] et le bouillant sénateur32.
On peut, d'ailleurs, remarquer dans le texte quelques corrections effectuées par le rédacteur du journal, comme la suivante: «Le
Glossaire acadien ayant été publié la semaine dernière, sans que la copie fût corrigée, quelques fautes assez sérieuses sont restées dans le texte. Nous croyons devoir corriger les principales [...]
33». Malgré ses limites (absence des unités lexicales commençant par
D et
R, et erreurs typographiques), la première édition de
l'Évangéline contient la partie la plus importante du texte de l'oeuvre; elle est la dernière à être publiée du vivant de l'auteur; elle constitue le dernier état voulu par lui tout en étant celui de plus large diffusion, de vulgate: elle détient donc une grande autorité. Elle sert en grande partie de fondement au texte de base de la présente édition.
La quatrième série d'états du texte (
T), particulièrement intéressante, est constituée de six copies dactylographiées, plus ou moins complètes, du
Glossaire acadien, désignées au moyen des sigles
T1 à T6 et postérieures au décès de l'auteur. Nous pensons qu'elles ont été réalisées vers 1945. L'existence de ces copies pose le problème des doubles dactylographiés, ce que l'on appelle des dactylogrammes, «état du texte ou d'une oeuvre dactylographiée par une personne autre que l'auteur
34». Selon un archiviste du CEA, Ronald LeBlanc, le père Baudry aurait fait réaliser par des religieuses de Notre-Dame du Sacré-Coeur une copie dactylographiée du
Glossaire acadien. Une copie carbone du texte (
T1) est conservée dans un carton aux archives du CEA
35. Elle a une pagination suivie jusqu'à
prétendre36, puis une pagination par sections. Elle représente un état plus complet et plus achevé que les précédents, de sorte qu'elle a été reproduite à plusieurs reprises. Par exemple, cet état contient les unités commençant par la lettre
D, correspondant à la deuxième liasse manuscrite (
A2), qui manquaient dans les états du texte antérieurs. Elle ne contient pas une partie de l'article
jusqu'à tant que, ni l'article
jusque, ni la totalité de la lettre
K; cette absence a probablement été causée par l'omission d'une page qui répète par erreur la pagination de la page précédente, et qu'on peut trouver dans un autre état partiel du texte appartenant à cette série. Elle ne comporte non plus aucune entrée lexicale commençant par la lettre
R, bien qu'y figurent intégralement les unités débutant par les lettres
S à
Z (la dernière est
zireux). Il faut ajouter qu'elle contient une nouvelle tranche qui apparaît comme une addition aux états précédents, les locutions, au nombre de 479, dont aucun manuscrit ne