La réception du
Glossaire acadien, dans ses différentes éditions, par le public, a été passablement mitigée, et diffère en cela du succès immédiat, unanime et durable qu'a connu l'ouvrage antérieur,
le Parler franco-acadien et ses origines (1928). On remarque chez certains des réticences quant à admettre la nécessité d'un glossaire régional. Un avocat de Saint-Basile (N.-B.), C.A.D. Gagnon, par exemple, fait une remarque en ce sens à Placide Gaudet, dans une lettre datée du 4 août 1887 (et portant donc sur un état pré-original du texte qui a disparu dans l'incendie de novembre 1987):
[...] J'apprends aussi par le Moniteur, je crois, que notre sénateur P. Poirier va nous faire lui aussi un écrit à sa façon, ce qui n'est pas peu dire, quelque chose comme un «glossaire». Si la littérature acadienne avait un caractère plus marqué en son originalité et plus répandue [sic], je vous dirais que l'apparition du «glossaire» serait utile, même indispensable, mais aujourd'hui où le bon et correct français que nous parlons à Québec et ailleurs, je ne vois pas de quelle utilité serait un glossaire acadien51.
L'épistolier ne considère pas l'identification et la définition des régionalismes comme une étape importante dans la prise de conscience d'une spécificité linguistique régionale, et se montre d'avis que l'effacement du parler régional au profit de la langue standard normative est un processus inéluctable. Selon lui, la fierté patriotique, l'attachement à ses origines, se manifeste plus dans une oeuvre historique que dans une étude linguistique d'une variété régionale:
Si j'avais l'énergie de Poirier et son talent, je ferais quelque chose de plus utile, je mettrais au jour une histoire du peuple acadien qui ne manquerait pas d'approbateurs, et qui ensuite aurait pour lui un intérêt très [mot illisible] celui de la rémunération pécuniaire. Il nous manque donc une histoire acadienne de style, de pensées et de sentiments et surtout acadienne d'auteur, c'est-à-dire de coeur [...]52.
D'autres considèrent la variété régionale comme un ensemble linguistique nettement distinct de la langue standard, et dont toute description ou tout inventaire doit éviter des recoupements possibles avec cette dernière. Telle est l'opinion de l'historien Émile Lauvrière qui apprécie beaucoup
le Parler franco-acadien et ses origines, au point où il suggère à P. Poirier de le présenter à l'Académie, mais qui fait des réserves sur la sélection des entrées du
Glossaire, au point de conseiller à l'auteur de se mettre en rapport avec des spécialistes. Il les exprime dans une lettre à P. Poirier, datée du 18 octobre 1928:
Je lis avec grand intérêt votre Glossaire acadien dont je mets soigneusement les coupures de côté. Peut-être pourriez-vous l'alléger d'expressions qui sont restées bien