Il importe de mentionner que, dans plusieurs de ses textes
60, grâce à une série de métaphores, l'auteur a désigné la langue régionale au moyen d'unités lexicales appartenant au champ sémantique du
joyau, dont une des caractéristiques est précisément qu'il n'est pas altéré (eau d'une pierre et métal précieux)
61. Il faut, cependant, préciser que P. Poirier montre bien que le parler acadien a subi des influences dialectales diverses: l'auteur effectue des rapprochements surtout lexicologiques avec des dialectes français très locaux et ne rattache pas le parler acadien à une strate du français identifiable ou à la langue commune d'une époque précise.
Dès sa prise de conscience de l'originalité du parler acadien alors qu'il était collégien, il choisit le lexique comme objet d'étude privilégié. Il se fixa alors la tâche d'observer et de noter minutieusement tous les mots et expressions acadiens: «De ce moment-là, je me suis mis, rageusement, à recueillir les locutions et les mots particuliers à notre idiome, dans le dessein d'en justifier la provenance, en les ratttachant à l'arbre généalogique de la langue française
62». Il y a lieu de remarquer la passion du lexicographe pour les vieux mots qu'il relève, et la manière dont il les traite. Il les considère comme des legs du passé qui doivent être gardés et consignés: «Si nous ne les recueillons, pendant qu'il en est encore temps, ils seront irrévocablement perdus. Or un poète a dit: 'Chaque mot qui se perd est une âme qui meurt'
63». Une telle attitude nous rappelle celle de Vaugelas, ennemi des mots nouveaux, qui se porta à la défense des mots qui disparaissent: «J'ai une certaine tendresse pour tous ces beaux mots que je vois ainsi mourir, opprimés par la tyrannie de l'Usage, qui ne nous en donne point d'autres en leur place, qui aient la même signification et la même force
64». On doit aussi mentionner que, dans les années vingt, P. Poirier fit paraître plusieurs articles de lexicologie, qui annoncent l'oeuvre majeure, le
Glossaire acadien. Ainsi, en 1921, il étudie la formation et les différentes significations du verbe
maganer65 qu'il rattache à l'ancien français
mehaignier. En 1923, il écrit une étude intitulée «Radicaux et racines
66», sur ce que nous appelons aujourd'hui le champ morphosémantique de la gorge, principalement les formes
got et
gargoton et celles qui sont issues de ces dernières. Cette défense de l'originalité du parler acadien aboutit, en 1928, à la publication d'un volume au titre révélateur:
le Parler franco-acadien et ses origines. Il y décrit la langue régionale