dans sa prononciation, sa grammaire et son lexique à partir d'un tableau de l'évolution de la langue française entre la fin du Moyen Âge et la fondation de l'Acadie, où elle s'est conservée depuis le XVII
e siècle. Évidemment, dans ses études historiques, l'auteur se réfère aux travaux de grammairiens et de philologues, tels que Ferdinand Brunot, Arsène Darmesteter, Ampère, Gaston Paris, par exemple, mais sa description linguistique est bien pré-saussurienne, car il ne dégage pas un système linguistique spécifique. On doit, cependant, reconnaître que P. Poirier a eu le mérite d'être le premier à décrire le parler acadien. Ainsi que le précise l'auteur, dans la «Préface», ce volume a comme complément lexicographique le
Glossaire acadien:
«J'en [mots et locutions acadiens] ai dressé une liste assez longue. Mais avant de la publier sous forme de glossaire, j'ai cru devoir esquisser l'étude de l'idiome lui-même. C'est cette esquisse que je présente aujourd'hui aux linguistes de France et du Canada. Si elle rencontre quelque encouragement, le glossaire suivra67».
Ces phrases, qui ont été écrites le 15 août 1928, peuvent surprendre, quand on sait qu'à cette date
l'Évangéline avait déjà publié le
Glossaire acadien jusqu'à l'article
batturière68, et que
le Moniteur acadien avait déjà publié l'oeuvre jusqu'à l'article
brousse-poil (à). Il est permis de penser que l'auteur faisait dans son esprit une nette distinction entre la publication journalistique destinée à ses compatriotes, qui vise à soutenir leur fierté linguistique, et une publication sous forme de livre, édition revisée et augmentée, à laquelle il devait songer, destinée à un public de lecteurs plus vaste, qui permettrait aux autres francophones de connaître les Acadiens à travers leur parler. D'ailleurs, dans
le Parler franco-acadien et ses origines, il reconnaît viser un tel objectif: «L'étude que nous faisons de la langue acadienne et le
Glossaire que nous avons en préparation, ne seront peut-être pas tout à fait sans intérêt pour les philologues et les linguistes de France
69».
Le projet lexicographique de P. Poirier consiste donc en une collection particularisante de mots et de locutions, établie dans une perspective partiellement diachronique, qui se révèle assez composite, dans la mesure où, bien qu'elle soit fort proche d'un dictionnaire de langue ou dictionnaire de mots, elle s'en distingue sur de nombreux points. Comme ce dernier, cette oeuvre se caractérise par son morcellement en une multitude de discours distincts, tenus partiellement sur l'origine, la formation et le sens des unités relevées. Évidemment, elle présente un aspect partiel, limité, et ne contient pas une étude systématique de chaque unité. Elle a, en outre, la particularité d'exploiter la fonction métalinguistique du langage pour donner en français standard les définitions des mots et des locutions acadiens retenus. À ces définitions s'intègrent fréquemment des synonymes acadiens et québécois.
En raison principalement des circonstances de rédaction (texte écrit de mémoire pour une grande part) et de sa forme feuilletonesque, elle présente une