page



xxxvi
Le Glossaire acadien

forme même mérite un commentaire, car on trouve à côté de mots simples, des diminutifs de prénoms, des noms composés, des syntagmes et une coalescence graphique, bref une certaine variété. On aurait pu allonger la série présentée ci-dessus en citant d'autres noms propres qui figurent dans l'ouvrage, par exemple les noms d'aires dialectales françaises ou de régions de France, ceux de maints auteurs et des titres d'ouvrages, mais ces derniers ont une fonction purement utilitaire et référentielle: ils ne sont ni présentés ni décrits comme des mots acadiens.

     On remarque aussi, dans le Glossaire acadien, un nombre peu élevé d'articles, une quarantaine environ, consacrés à des mots grammaticaux; l'astérisque indique la présence de l'unité dans la liste des locutions à la fin de l'ouvrage: prépositions et locutions prépositives (à, après, de, dans, drès, emprès, jusque, sus), pronoms et locutions pronominales (alle, aucun, ça, ceux / ceuses, chacun, cticit / ctila / ctella, d'aucuns, elle, eux, il, je, n'on, on, queuqu'un, qui, quoi, sti-cit), conjonctions et locutions conjonctives (à cause que*, aussi...comme, aussitôt... comme, autant... comme, comme, d'abord que, drès que, jusqu'à tant que, mais, malgré que, mèque, pace que, quanque, que, quoique ça, sitôt comme), adverbes et locutions adverbiales (dumeshui, eyoù, iousque, où, ousque). Il faut noter qu'en linguistique générale, dans la perspective de l'analyse fonctionnaliste, on oppose les signes lexicaux aux signes grammaticaux, établissant une distinction entre ceux qui exercent une fonction lexicale et ceux qui ont une fonction grammaticale. Comme le précise André Martinet, les «monèmes grammaticaux» ou mots grammaticaux constituent des groupes finis dénombrables, tandis que les monèmes lexicaux appartiennent à des listes ouvertes: «On distinguera par ailleurs entre des monèmes grammaticaux (morphèmes) et des monèmes lexicaux (lexèmes). [...] Les monèmes lexicaux sont ceux qui appartiennent à des inventaires illimités. Les monèmes grammaticaux sont ceux qui alternent, dans les positions considérées, avec un nombre relativement réduit d'autres monèmes74». Quant aux affixes de préfixation et de suffixation, A. Martinet considère qu'ils appartiennent à un système assez lâche qui peut accueillir de nouveaux éléments à chaque synchronie, aussi les range-t-il parmi les monèmes lexicaux: «Il semble donc qu'on ait intérêt à voir dans les affixes un type particulier de lexèmes75». On doit noter que P. Poirier, qui se représente le lexique acadien comme un ensemble vaste et composite, a donné le statut d'entrées lexicales aux suffixes suivants: -al / -au[x], -eur, -oir, -ouer.

     Un petit nombre d'articles, une quarantaine environ, qui confirment l'importance de la fonction métalinguistique dans le Glossaire acadien, témoignent de la réflexion de l'auteur sur le lexique acadien et sur son propre inventaire, et favorisent la tenue de discours didactiques. Ces derniers portent essentiellement sur des traits linguistiques et ressortissent à plusieurs domaines; on n'en retrouve pas souvent de tels dans les dictionnaires de langue. Les articles portant sur des faits phonétiques et parfois graphiques sont les plus nombreux de ce groupe: ar / er, c, d, e, -er / -ère, es-, g, h, -ir, k, l, liaisons, métathèse, n, o, -oi, ou, -ouère, -our, p, q, r, s, t, tch, u, v, w, x, y, z. D'autres traitent de questions


74.   André Martinet, Éléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, 1978, p. 119.
75.   André Martinet, Éléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, 1978, p. 137.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.