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Le Glossaire acadien

   Il n'est resté, comme je l'ai dit plus haut, qu'un petit nombre de vocables sauvages dans le parler des Acadiens88.

Or, d'après des études récentes, s'il est indéniable que les langues amérindiennes ont influencé les variétés régionales du français au Canada, l'inverse est également vrai, les contacts entre les langues ayant été nombreux, assez forts, et s'étant faits dans les deux sens. Le micmac89 renferme, par exemple, un certain nombre de mots provenant directement du français (emprunts directs). Il en est de même du malécite90. On a pu faire également des recherches sur la langue des jeunes Micmacs du Cap-Breton (N.-É.), dénommée le «miclish», dans laquelle se produisent de nombreuses interférences avec l'anglais91. Après ces déclarations, P. Poirier dresse une liste commentée des mots d'origine amérindienne recueillis par l'Académie et par d'autres dictionnaires français. Il donne aussi une liste explicative de mots amérindiens entrés dans le vocabulaire des Québécois, puis une autre de ceux qui se sont installés dans le parler acadien: cette dernière qui comporte 20 unités prête à discussion. L'auteur y place en effet trois mots qui appartenaient déjà à la langue standard de l'époque et qu'on retrouve dans le Littré, par exemple: mocassin, patate et pirogue. Cette dernière liste, sur laquelle on doit émettre des réserves, est très partielle, l'auteur annonçant que «ceux [entendre: les mots acadiens empruntés à des langues amérindiennes] [qu'il] donne ici ont été recueillis au Nouveau-Brunswick, [et qu'] il doit s'en trouver quelques autres en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, qui ne sont pas venus à [sa] connaissance92». Cet aspect partiel de l'inventaire des unités d'origine amérindienne caractérise également le Glossaire acadien qui, pourtant, cherche à décrire le lexique acadien, à travers toute l'Acadie. Il faut mentionner la redondance introduite par l'emploi des deux noms et adjectifs souriquois et micmac, dans la mesure où le premier est une désignation ancienne du peuple que l'on appelle actuellement par le second. On peut reprocher à P. Poirier d'avoir sous-estimé l'importance des mots acadiens d'origine malécite, adjectif formé à partir du nom d'une autre tribu amérin-


88.   Ibid., p. 283, 284 et 290.
89.   Un historien-archiviste du CEA, Régis Brun, a étudié l'installation de 120 mots acadiens dans la langue micmaque et celle de 120 mots micmacs dans le parler acadien, dans un article intitulé «Termes amérindiens dans le parler acadien / Termes français dans le parler amérindien» (à paraître prochainement).
90.   À ce sujet, il convient de citer cet extrait d'une étude sur le malécite: «Les mots empruntés de l'anglais sont plus nombreux dans cette langue que les mots empruntés du français, parce que les Malécites parlent maintenant deux langues: le malécite et l'anglais. Mais les mots empruntés du français paraisssent être plus vieux. Quoiqu'ils ne soient pas si nombreux, leur importance est particulièrement grande linguistiquement. Ils sont devenus des parties 'organiques' de la langue malécite, reçoivent des suffixes malécites, et leur structure phonologique est totalement d'accord avec la phonologie de la langue malécite». Voir: Laszlo Szabo, «Des mots empruntés du français au malécite», Actes du huitième colloque annuel de l'Association de linguistique des provinces atlantiques, Halifax (N.-É.), Université Dalhousie, 9-10 novembre 1984, p. 107.
91.   Voir: Stephanie Inglis, «'Miclish', a Micmac / English interlanguage», Actes du XVe colloque international de linguistique fonctionnelle, Moncton (N.-B.), Centre de recherche en linguistique appliquée, 1989, p. 191-193.
92.   P. Poirier, le Parler franco-acadien et ses origines, p. 290.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.