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Le Glossaire acadien ou le roman d'un parler régional
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dienne93 vivant dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, dans le haut du Saint-Jean, et dont les membres sont entrés en relation avec les Acadiens. Il précise l'origine malécite de deux mots seulement: madouesse et Cadie ou Cadic (à l'article Acadie; ce mot se retrouve aussi en micmac). Il les omet de sa liste, dans le Parler franco-acadien et ses origines, et en conséquence néglige cette influence. Pourtant, l'aire géolinguistique du malécite se limite exclusivement au Nouveau-Brunswick, comme le remarque Laszlo Szabo:

   On parle deux langues indiennes au Nouveau-Brunswick: le Malécite et le Micmac. Le malécite n'est parlé qu'au Nouveau-Brunswick [...]. Le micmac est parlé dans diverses provinces du Canada et aux États-Unis. De cette manière, le malécite est la langue indienne qui appartient en exclusivité au Nouveau-Brunswick. Ceux qui parlent cette langue se nomment eux-mêmes 'Indiens de la rivière Saint-Jean'. Autant le malécite que le micmac sont des langues de la famille algonquine94.

Il faut aussi noter les désaccords et contradictions entre le Glossaire acadien et le Parler franco-acadien au sujet des mots d'origine amérindienne: le substantif canisteau, donné dans le premier comme originaire du sud de la France, est considéré, dans le second, comme étant un emprunt à une langue amérindienne; le nom ouarouari ou warwari, orthographié également ouarouarri, reçoit, dans le premier, une origine picarde et angevine, dans le second, une origine incertaine, l'auteur hésitant entre une origine onomatopéique, amérindienne et ancienne. Est-il possible de distinguer une des raisons de la faible présence des mots d'origine amérindienne dans le Glossaire acadien et des erreurs de l'auteur? Ce dernier aurait bien pu avoir tendance à minimiser les contacts entre les langues amérindiennes et le parler acadien afin de mieux faire valoir la thèse qu'il soutient, et selon laquelle la vieille langue française a survécu inchangée en Acadie. Ce point de vue linguistique doit être rapproché d'une autre thèse, historique cette fois, que l'auteur a soutenue dans une polémique qui l'a opposé aux historiens Benjamin Sulte et E. Rameau de Saint-Père, et qui l'a conduit à la rédaction de son essai intitulé Origine des Acadiens (1874), dans lequel il tente


93.   Denys Delage décrit la répartition géographique des peuples amérindiens en Amérique du Nord, au début du XVIe siècle: «Trois grandes familles occupent le nord-Est de l'Amérique: la famile inuit, la famille algique ou algonquienne et la famille iroquoienne. [...] Pour sa part, la famille algonquienne occupe le littoral atlantique de la Caroline du Nord au Labrador et elle s'étend vers l'ouest jusqu'aux Rocheuses, c'est-à-dire sur tout le territoire canadien actuel. Cette famille regroupe d'innombrables tribus dont les dialectes sont apparentés. On peut grosso modo la diviser en deux sous-groupes: les tribus sédentaires de la côte est des États-Unis – Delawares, Péquots, Montauks, etc. – qui vivent principalement d'agriculture et de pêche, et les tribus de chasseurs migrateurs. On trouve parmi ces derniers les Passamaquoddys, les Malécites, les Abénaquis et les Micmacs qui habitent le Maine et les Maritimes, les Béothuks de Terre-Neuve, probablement de la même famille et entièrement décimés» (le Pays renversé, Amérindiens et Européens en Amérique du Nord-Est 1600-1664, Montréal, Boréal, 1985, p. 56-57).
94.   Laszlo Szabo, «Le malécite, langue des Indiens de la rivière Saint-Jean», dans Langues et littératures au Nouveau-Brunswick, Moncton, Éd. d'Acadie, 1986, p. 27.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.