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Le Glossaire acadien

de «démontrer que le peuple acadien descend, sans mélange de sang sauvage, des colons français [...]95».

     On sait que P. Poirier a acordé une place particulière aux «locutions», à la fin de son ouvrage. L'auteur a retenu comme éléments du lexique acadien une série de 547 unités multiples assez diverses quant à leur forme. A. Rey précise bien l'importance de ces groupes de mots dans le lexique et mentionne plusieurs appellations qu'on a pu leur donner:

   Ainsi, un lexique ne se définit pas seulement par des éléments minimaux, ni par des mots, simples et complexes, mais aussi par des suites de mots convenues, fixées, dont le sens n'est guère prévisible [...]. Ces séquences, on les appelle en général des locutions ou des expressions. [...] Il s'agit de phraséologie, c'est-à-dire d'un système de particularités expressives liées aux conditions sociales dans lesquelles la langue est actualisée. Ceci recouvre deux aspects d'une même réalité, expression et locution étant très généralement employés comme deux synonymes. L'un et l'autre sont indispensables à l'idée courante, concrète, pratique que nous avons du langage. [...] Ces distinctions concernent d'ailleurs de simples tendances, et les limites entre locution et expression, entre ces deux termes et énoncé fréquent ou codé, ou avec tournure et idiotisme, ne sont ni franches ni nettes96.

Dans cet inventaire, on trouve des locutions au sens grammatical du mot, c'est-à-dire des groupes de mots à la syntaxe figée et correspondant à des mots uniques: locutions nominales, verbales, pronominales, adjectives, adverbiales, conjonctives, prépositives, interjectives. À ces mots grammaticaux complexes s'ajoutent des expressions toutes faites, assez souvent imagées. Ces dernières ont été produites à partir de ressources rhétoriques et stylistiques; elles mettent en oeuvre une figure. La plupart des articles de cette section se caractérisent par leur brièveté et par le peu d'informations qu'ils donnent, se contentant généralement de fournir une simple définition synonymique du sens.

     La principale réserve émise par plusieurs lecteurs et éditeurs du texte du Glossaire acadien porte sur l'inclusion d'unités se retrouvant dans les dialectes régionaux français, dans la langue commune française, ou dans une variété régionale à la fois proche et différente, le franco-québécois. Le problème de l'extension du corpus est évidemment crucial dans une telle entreprise. Cependant, il faut reconnaître que les critères de sélection dépendent des objectifs du lexicographe qui peut choisir de présenter le lexique de sa communauté plus ou moins dans sa totalité ou de n'en retenir que des particularités (différenciation).


95.   P. Poirier, Origine des Acadiens, Montréal, Eusèbe Sénécal, 1874, p. 4. Sur la place de cet ouvrage dans l'histoire de l'essai acadien, voir plus particulièrement: Anne-Marie Robichaud, «Le discours et l'essai acadiens», dans Langues et littératures au Nouveau-Brunswick, p. 386-394.
96.   A. Rey, «Introduction», dans A. Rey et Sophie Chantreau, Dictionnaire des expressions et locutions, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1988, p. V-VI.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.