codifie en quelque sorte le lexique de la communauté. Ce catalogue est le produit d'une série de choix qu'a dû effectuer l'auteur, et qu'il impose à la communauté qui reconnaît son autorité en la matière. L'auteur fait une sélection dans le continuum lexical acadien, et transforme la liste ouverte des lexèmes régionaux en un ensemble clos, celui de son texte. Il authentifie les unités simples et multiples enregistrées comme des mots et des locutions du parler acadien; il en exclut évidemment d'autres sur lesquelles nous n'avons aucun renseignement.
La norme lexicale introduite par l'auteur se double d'une norme graphique: P. Poirier étudie des unités lexicales simples et multiples qu'il découpe lui-même dans le parler de ses contemporains, et qu'en l'absence de toute orthographe précise, il doit fréquemment orthographier, en tentant de faire concorder les graphèmes et les phonèmes. Une exigence qui s'impose à lui, et qu'il ne peut toujours remplir, est celle de la notation des formes coexistantes, des variantes graphiques et/ou phonétiques. Dans certains cas, il prend position en faveur d'une graphie, il en impose une,
aïde,
alle, parfois au prix d'une remarque supplémentaire d'ordre phonétique, «
abattouer (
R final muet)». Il préfère souvent conserver la graphie standard et note entre parenthèses la réalisation phonétique régionale correspondante, «
grainages (prononcé
grenages)», «
grenouilles (prononcé
gueurnouille, par métathèse)»; il conserve aussi certaines graphies employées par d'anciens auteurs,
grafigner ou
graphigner. Le maintien de la graphie standard ou d'une graphie rendant compte d'une prononciation ancienne peut être discutable, car il y a le risque d'une inadéquation entre les formes écrites et orales des unités lexicales: «
avril. Nous prononçons le mot
avri, comme il s'est prononcé originairement, en France [...]», «
orignac. Orignal. Nous disons, comme tout le monde,
orignal, aujourd'hui; mais
orignac, prononcé
origna, paraît avoir été la première forme de ce mot». Parfois, l'auteur corrige une graphie qu'il vient de donner, «
abandonner, ou plutôt
abandouner», ou mentionne à la fin de l'article une variante graphique plus lisible que la vedette, «
cticit,
ctila,
ctella. Celui-ci, celui-là, celle-là. Le 't' final de
cticit se fait entendre [...]. Ces mots pourraient s'écrire
sticit,
stila,
stella». Pour certains mots, il ne prend pas position, et donne en vedette diverses graphies,
go,
got,
gau, qui peuvent rendre compte de traitements phonétiques régionaux différents,
habilleux ou
habilleur.
C'est dans la composition des articles du
Glossaire acadien que l'on remarque le plus grand nombre d'inconstances de la part de l'auteur. On sait qu'une longue tradition lexicographique a établi la composition d'un article de dictionnaire:
Les informations se distribuent, dans la plupart des dictionnaires, selon une structure d'article invariable: 1o entrée, 2o prononciation, 3o catégorie grammaticale, 4o étymologie, 5o ordre de classement des sens grâce à une numérotation, 6o sous chaque numéro, une définition suivie d'un exemple. S'il se produit une variante dans cet ordre canonique, elle constitue une marque différenciatrice de l'ouvrage, qui doit être respectée de bout en bout au cours de sa réalisation [...]98.