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PRÉFACE




Car si l'usage veut, plusieurs mots reviendront,
Après un long exil. VAUQUELIN DE LA FRESNAYE.


Ceci est un essai de réhabillitaton du parler franco-acadien.
Certaines expressions dont on se sert, en Acadie, font sourire les Canadiens et les " Français de France. " Nos gens n'aiment pas qu'on se moque d'eux. Plutôt que de s'exposer à la risée des étrangers, ils se tairont, ou parleront anglais ; ou bien, s'ils parlent français, leur français, ce sera avec gêne, presque en rougissant.
Et pourtant, cette langue, c'est celle que leurs pères ont apportée de la Touraine et du Berri, dans la première partie du XVIIe siècle, lorsqu'ils vinrent coloniser " la Nouvelle-France " d'Amérique.
La crainte qu'éprouve le paysan acadien de parler sa langue devant les étrangers et même en présence de toute personne " éduquée ", est chose dangereuse pour lui, au point de vue national. Elle ouvre une écluse à la marée montante de l'anglicisme, qui déjà, déborde. Et puis, il ne faut pas qu'un enfant soit exposé à rougir de sa mère. Pour un Acadien, rougir de sa langue maternelle, c'est un peu rougir de la France.
L'idée de réhabiliter, selon la mesure de mes moyens, le parler acadien, avec les mots dont il se compose, m'est venue au Collège Saint-Joseph (Nouveau-Brunswick), pendant que j'y faisais mes classes.
Notre professeur, excellent religieux, me demanda, un jour de Composition, où j'en étais de mon discours français, s'il était terminé.
- Pas tout à fait, mon Père, mais il avance par les petits.
-
Par les petits ! Qu'est-ce que c'est que ce baragouin-là ?
Je demeurai court, rougissant jusqu'aux oreilles.
- Mais nous disons comme çà, par ici, pour : ça avance
petit à petit, graduellement.
- Dites, " un petit peu ", et tâchez de parler français la prochaine fois.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.