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aux règles plus ou moins capricieuses des grammairiens, et affinée à l'excès1, depuis trois siècles, par les poètes, les philosophes et les grands écrivains.
La strate sous-jacente est composée de ce qu'on appelle le vieux français. Plus bas, on trouve la langue des chroniqueurs, des trouvères et des troubadours, et, à la base, le roman, qui est presque du latin. À ces trois périodes correspondent, respectivement, si l'on peut dire, le pliocène, le miocène et l'éocène de l'âge tertiaire des géologues. En dessous tout à fait, au contact de la formation archaïque, est le celtique, dérivé, ainsi que le latin, d'ailleurs, des langues primordiales sorties de l'Inde, et se rattachant à la famille aryenne. Plus bas encore et plus loin, ce sont les profondeurs inexplorées, la tour de Babel, l'Éden, le grand mystère de l'origine des choses.
Quoique issus de la même matrice, les divers dialectes qui se parlent aujourd'hui, en France, ne se ressemblent guère, au premier abord.
Au sud du royaume, disons plus proprement, de la République, dans les anciens comtés de la Provence et du Languedoc, plus voisins de Rome, foyer central, le français populaire n'est pour ainsi dire que du latin métamorphique. À mesure que l'on s'éloigne de l'Italie, on remontant vers le nord, la forme latine s'use au frottement des autres langues, perd ses contours, s'affaiblit, s'efface peu à peu et se retire dans les radicaux. Pour la retrouver, pour l'isoler, la dégager, l'en extraire, il faut recourir à l'analyse quantitative du philologue et du linguiste.
Par ci, par là, des expressions de provenance étrangère, apportées, les unes d'Allemagne par les Francs; les autres de la Scandinavie et du Danemark, par les Normands; d'autres, en petit nombre, de l'Asie, par les croisés, ou de l'Afrique, par les Sarrazins d'Espagne, avec, en Bretagne, un affleurement distinct de néo celtique2, et, en Béarn, de basque.

1. – Les Acadiens disent plutôt : aux excès.
2. – La langue que parlent aujourd'hui les Bretons bretonnants du Finistère, des-Côtes-du-Nord et du Morbihan, est un dialecte celtique importé en France, aux Ve, VIe et VIIe siècles de notre ère, par un certain nombre d'habitants de la Grande-Bretagne (l'Angleterre) fuyant




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.