Pour être né du latin, le français n'en est pas moins, aujourd'hui, une langue autonome.
L'évolution fut lente, hésitante, incertaine, qui fit du parler sonore du Latium, l'idiome limpide de l'Île-de-France
1. Les phases successives par lesquelles passa le latin avant de devenir le français; les obstacles qu'il rencontra sur son chemin; les ennemis qui l'assaillirent et le pillèrent le long de la route, firent que c'est tout meurtri et presque méconnaissable qu'il est arrivé aux étapes extrêmes de sa course.
Ce n'est pas dans le moule académique de la langue de Virgile et de Cicéron que se sont formés les nombreux dialectes qui, dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, se sont partagé le royaume de France; ce n'est pas même sur le parler populaire de Plaute; c'est du langage vulgaire, du patois latin, c'est de la
lingua rustica, mêlée avec la
lingua militaris de l'inculte et grossier légionnaire, qu'ils sont sortis, soit en même temps, soit les uns après les autres. Le français sanctionné par l'Académie n'est, en définitive, que du patois officiel.
Lorsque Jules César, peu de temps avant l'ère chrétienne, mit sous le joug de Rome, les Gaules, qu'il se vante d'avoir divisées en trois parties
2, mais qui l'étaient bien longtemps avant sa conquête, la langue parlée dans le nord, l'ouest et le centre des provinces annexées à la Répulique romaine, puis à l'Empire, était le celtique; celle du sud, à Marseille et dans les environs, le grec; et, dans ce qui constitue aujourd'hui le Béarn et une partie de la Guyenne, le basque ibérique.
Les habitants de ces diverses régions, à l'exception des Basques, ou Gascons d'Aquitaine, se comprenaient entre eux, malgré la diversité parfois profonde des différents dialectes
devant l'invasion des Saxons. Ce n'est pas tout à fait le celtique parlé dans les Gaules au temps de l'invasion des Romains. Celui-ci avait, à cette dernière date, sombré et disparu sous la marée envahissante du latin universel.
1. – L'Ile-de-France, qui constitua longtemps tout l'apanage de nos rois, se composait du pays compris entre la Marne, la Seine, l'Oise, le Valois et le Mulcien.
2. - La Belgique, la Celtique et l'Aquitaine.