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qu'ils parlaient. Ceux de la Belgique communiquaient directement avec ceux de la Bretagne, et ceux-ci avec les nations du centre et de l'ouest des Gaules. C'est à peu près la situation où se trouvaient les tribus sauvages de la Nouvelle-France, à l'arrivée de Champlain. Les Cinq-Nations iroquoises, quoique répandues sur un territoire grand comme la France et l'Allemagne réunies, tenaient ensemble conseil de guerre, et, plus à l'est, les Abénaquis du Cap-Breton, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de la Gaspésie et de la Nouvelle-Angleterre, Micmacs, Souriquois, Armouchiquois, Etchemins, Canibas, parlaient une langue dont les différents dialectes étaient à peu près compris de tous.
Si la conquête du territoire de la Gaule par les Romains fut rapide et définitive, celle de son parler, en dehors des villes et du monde officiel, fut lente et incomplète. À vrai dire, Rome ne parvint jamais à substituer sa langue aux dialectes indigènes, de la même manière absolue qu'elle imposa aux vaincus son administration et ses lois. Une résistance irréductible lui vint du peuple, les mères, et du clergé, les druides.
Disons à la gloire de Rome qu'elle ne recourut pas à la violence pour imposer sa langue aux Celtes et aux autres nations indigènes de la Gaule. La brutalité dont usent les Allemands vis-à-vis des Alsaciens et des Lorrains1 eût répugné au caractère auguste de ses sénateurs et de ses chevaliers. Les prêtres des faux dieux eussent rougi d'employer, pour détruire le parler celtique ou ibérique, les moyens indélicats dont un certain clergé canadien d'origine irlandaise se sert pour proscrire le français des écoles dans les États de la Nouvelle-Angleterre, et dans toutes celles des provinces du Canada, où il exerce une autorité prépondérante.
Tout s'écroula devant la puissance prodigieuse de Rome; tout s'anéantit devant ses légions victorieuses, tout, à l'exception du sentiment indestructible de la patrie, réfugié dans les âmes.
Le latin régnait seul dans les cours de justice, et aux armées;

1. – Ceci était écrit avant la Grand'-Guerre.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.