tous ceux qui avaient soif de jouissances, d'honneurs et de maîtres, se hâtèrent de l'apprendre ; à l'école, au théâtre, dans les temples, on n'entendit que le latin, plus ou moins compris, d'ailleurs, de tout le monde ; le commerce et les hautes relations sociales ne connaissaient point d'autre langue.
Pendant de longs siècles, il ne fut plus question du parler obscur des vaincus. La langue impériale de César était, apparemment, comme ses légions, maîtresse incontestée de la Gaule et du monde.
Et cepandant, nous le savons par certaines remarques de Sidoine Apollinaire (Ve siècle) et par saint Grégoire de Tours (VIe siècle), les dialectes indigènes, altérés et méconnaissables, continuaient d'exister dans l'ombre. Ce n'était plus du celtique ; mais ce n'était pas non plus du latin. C'était une langue nouvelle en voie de formation.
Cette boutade de Postumianus, rapportée par Sulpice Sévère, (IVe siècle), est bien connue des philologues :
Tu vero vel celtè, aut si mavis, gallicè, loquere, dummodo jam Martinum loquaris. Parlez-nous celte, dit le juge à l'avocat de l'une des parties, ou, si vous le préférez, gaulois, pourvu que vous nous parliez de Martin. Martin était l'objet du litige.
Le celtique, c'était l'antique parler, le gaulois, la langue nouvelle, qui s'élaborait
1.
Nous savons, par d'autres témoignages, que le bilinguisme régna longtemps au pays de nos pères, après la conquête romaine : le celtique d'abord, puis, lorsque la langue nouvelle fut constituée, le gaulois, ou langue romane, à côté du latin officiel.
Il y eut même, en certaines provinces, le trilinguisme, notamment à Marseille, colonie phocéenne, où le grec, durant plusieurs siècles, fut enseigné dans les écoles et parlé parmi le peuple, à l'égal, et presque à l'exclusion, du latin.
Les habitants de toutes les divisions de la Gaule entendaient,
1. – " Les langues ne sont organiques que dans la période de leur formation. " Gaston-Paris, Etude sur le rôle de l'accent latin dans la langue française, p. 4.