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CHAPITRE II



Premiers mouvements de la langue


Le plus ancien monument littéraire que nous possédons de la langue romane, c'est-à-dire de la langue française à ses balbutiements, date de 842. C'est le texte d'un serment échangé entre deux des fils de Louis-le-Pieux, Charles-le-Chauve et Louis-le-Germanique, ligués contre leur frère Lothaire, qui venait de gagner sur leur père la bataille de Fontenet (841).
C'est à Strasbourg, en présence de l'une et de l'autre armée, que les deux serments furent échangés. Afin que les soldats des deux camps,- témoins du pacte, pussent en comprendre les termes, Louis-le-Germanique, chef de l'ost des Germains, jura dans la langue des Francs, qui était celle de son frère, et celui-ci, dans la langue tudesque, qui était celle de ses alliés d'Allemagne. Voici le texte intégral du serment de Louis :
" Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament, d'ist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo, et in aiudha (ou adjudha) et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradre salvar dift, in eo quid il mi altresi fazet, et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui meon vol cist meon fradre Karle in damnaa sit1 ".
Traduction, par M. F. Brunot, en français contemporain
" Pour l'amour de Dieu et pour le salut commun du peuple chrétien et le nôtre, à partir de ce jour, autant que Dieu m'en donne le savoir et le pouvoir, je soutiendrai mon frère Charles ici et de mon aide et en toute chose, comme on doit justement soutenir son frère, pourvu qu'à moi il fasse ainsi ; et je ne prendrai jamais aucun arrangement avec Lothaire, qui, par ma volonté, soit au détriment de mon frère Charles ici. "
Ce document est de la plus haute importance pour qui veut

1. – Nous adoptons la transcription du texte original donnée par F. Brunot.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.