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suivre le développement de la langue, depuis son origine. C'est un acte de naissance, légitimant toute la postérité des mots qui en découleront et s'y rattacheront.
Au point de vue du parler franco-acadien, il offre un intérêt tout particulier, par le fait que certains vocables du Serment, perdus pour la langue française, telle que promulguée, au XVIIe siècle, par les Quarante Académiciens de Richelieu, se retrouvent aujourd'hui en Acadie.
C'est ainsi que eo-cist 1nous donne l'origine précise de l'adverbe acadien icit, pour ici. Nous disons: Viens icit ; apporte-moi çà icit; reste icit, ou encore, cet homme-icit, cette femme-icit, en faisant sonner le t.
Dans cist, mis pour ci-est, l's médial ne se faisait pas sentir ; mais le t final sonnait vraisemblablement, comme en latin. De i (o)-ci (s)t, l'o et l's tombant2, il est resté i-cit, l'icit acadien et canadien.
Eo cist meon fradre se rendrait littéralement, en Acadie, par mon frère icit, eo-cis se plaçant après et non avant le substantif frère. Le français grammatical d'aujourd'hui veut que l'on dise : cet homme-ci ; nous disons : cet homme icit, (io-cist).
Aiudha 3vient d'un mot de la basse latinité, adjuta, se rattachant au verbe adjuvare, qui a donné aide en français. Mais avant de faire aide, adjuta s'était dit aiudha, au IXe siècle, comme nous venons de le voir. Dans la Chanson de Roland, parue deux siècles plus tard, c'est aiuda et aïe que nous trouvons ; au XIIe siècle, c'est aïe, aïe et aïde ; les écrivains du XIIIe siècle disaient aïe, aïue, aiuve, aïde, ayde, aide. Froissard et les chroniqueurs du XVe siècle écrivent aide ayde. A partir du XVIe siècle, le mot aide est définitivement fixé ; c'est le seul que la langue reconnaisse. Le caprice des auteurs, ici, comme à l'égard de maint autre vocable, a fait loi. Cette loi, survivance

1. – D'autres transcriptions ont io-cist, ce qui me paraît préférable.
2. – Nous verrons dans le Glossaire les modifications ultérieures de cet adverbe.
3. – Mis pour ajudha, le j était remplacé par un i, à cette époque. " Les anciennes écritures ne distinguaient pas le j de l'i. " Littre, Dict. La prononciation, apparemment, les distinguait.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.