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la Cour, les souverains de France se chargeront de le fixer, de lui donner un état civil et d'assurer sa suprématie sur les dialectes qui se parlent dans le reste du royaume.
A la Vie de saint Alexis si l'on ajoute l'Alexandre d'Albéric de Besançon et Gormund et Isembard, on a à peu près tout ce que nous a laissé, tout ce que nous connaissons, en tout cas, des écritures du XIe siècle.
Au point de vue linguistique, aussi bien que politique, l'évènement le plus considérable, au XIe siècle, fut la conquête de l'Angleterre par Guillaume, duc de Normandie, et l'imposition de la langue des Normands, qui n'était autre que la langue française, à la nation britannique.
Ce que Jules César avait fait, onze siècles auparavant, dans la Gaule, Guillaume-le-Bâtard le fit dans la Grande-Bretagne : la langue des vainqueurs devint la langue officielle des vaincus. Le français seul fut parlé à la cour et dans les cours de justice
d'Angleterre. L'enseignement d'aucun autre idiome, à l'exception du latin, ne fut toléré dans les écoles et dans les universités ; l'anglo-saxon fut sévèrement proscrit, et l'ignorance du français constitua, durant plusieurs siècles, un motif d'exclusion des honneurs et des charges publiques.
Le franco-normand d'Angleterre exerça, à cause des relations qui existaient entre les deux cours royales, une influence marquée sur le français de France, durant les XIe, XIIe, XIIIe, et XIVe siècles. Nos premiers grammairiens, par exemple, viennent d'Angleterre, en même temps que plusieurs de nos premiers trouvères et prosateurs.
Cette influence, cependant, n'égale pas celle que la langue anglaise exerce aujourd'hui directement sur le parler des Canadiens et des Acadiens. Celle-ci est devenue un danger sérieux pour la pureté de notre idiome, à cause des trop nombreux anglicismes qu'elle y introduit.
Toutefois, en y regardant de près, on découvre dans un grand nombre de ces vocables étrangers qui viennent, en intrus, s'asseoir à notre foyer familial, de vieux mots normands du temps de Guillaume-le-Conquérant. Ce sont des parents éloignés, des cousins à la mode de Bretagne, qui nous reviennent. Il




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.