La manière d'affirmer et de nier est une pierre de touche à laquelle on peut reconnaître, jusqu'à un certain point, la politesse et la rudesse de moeurs d'un peuple.
Le Saxon, pressé et indifférent aux formules courtoises, disait simplement
gise, d'où l'anglais
yes. Le pirate
northman, brusque, et n'entendant pas contradiction, ramasse les trois mots latins
hoc (est) illud, en un seul vocable contracté, sur lequel il appuie comme avec son poing et dit :
oïl : oui : cela, est cela, c'est comme je le dis.
L'italien, héritier des formes polies de la Rome impériale, à sa décadence, demande la permission de penser autrement que son contradicteur :
Si, dit-il, c'est-à-dire, si vous permettez que je diffère d'opinion avec vous, s'il vous plaît que je vous contredise.
Si pour
oui, ne s'emploie que lorsqu'il y a contradiction entre deux ou plusieurs interlocuteurs.
- On ne vous a pas dit cela ? - Si.
- Vous ne l'avez donc pas vu ? - Mais si ; ou encore : -
si, si.
Là où il n'y a pas de contradiction, c'est
oui qui se dit par toute la France, des Alpes au Pas-de-Calais - Cela vous convient-il ? - Oui.
- Etiez-vous à la bataille de la Marne ? - Oui.
C'est au commencement du XVe siècle, au début de la renaissance, que le dialecte de Paris, adopta, à côté de
oui, la formule exquise du
si italien, que la langue française a conservée et qui prête à la conversation tant de grâce courtoise.
Nous avons, en Acadie, et nous employons avec les mêmes nuances qu'à Paris,
oui et
si, auquel nous ajoutons
si fait1, pour l'affirmation et
nenni2 pour la négation.
Des deux idiomes rivaux ce fut celui du nord, la langue,
d'oïl, qui triompha. Malgré la prodigieuse richesse de son vocabu-
1. – Si fait, que les vieux auteurs écrivent " si fais ", de sic facio.
2. – Nanni ou nani, nenni, en français officiel (de non illud), est à non, en Acadie, ce que si est à oui, une forme courtoise. Dans la bouche des enfants ce mot est tout à fait respectueux.