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quittez loyalement ; et le conseillez en tous ses affaires loyaument ; car toute une fiance1 git en vous ".
La langue approche toujours petit à petit de sa forme définitive, mais elle garde encore, tant pour la prose que pour les vers, une allure incertaine et débridée.
Villon, de qui Boileau dit qu' :
Il a su, le premier dans ces siècles grossiers,
Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers,
Villon, le Robert Bruce de la France, appartient à la seconde moitié du XVe siècle. Le souffle de la Renaissance passe à travers sa poésie ; il a pris contact avec les poètes classiques de Rome et d'Athènes.
Tout le monde connait de lui ce lai comparable à l'ode la plus gracieuse d'Horace :
Dites-moy où, n'en quel pays
Est Flora, la belle Romaine ;
Archipiade, ne Thais,
Qui fut sa cousine germaine ;
Echo parlant, grand bruyt on maine,
Dessus rivière ou sus estan,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine ?
Mais où sont les neiges d'antan2? Constatons, par une autre citation, le progrès rapide que fait la langue française durant le XVe siècle. Les vers suivants d'Olivier Basselin, semblent sortir de Caveau :
Beau nez dont les rubis ont routé mainte pipe
De vin blanc et clairet,
Et auquel la couleur richement participe
Du rouge et du violet ;


1. – Mot conservé dans le parler acadien, et qui signifie confiance. 11 n'y a pas de fiance à lui veut dire qu'il ne faut pas se fier à ses paroles. Fides est le radical de ce mot, mais il semble dériver du mot latin populaire, fidare. J'ai aussi entendu dire : il n'y a pas de fiat à faire en lui ; mais fiat a une origine différente.
2. – Mais où sont les neiges d'antan, d'autrefois, de l'année passée, ante annum, se traduirait, en Acadie, par : Mais où sont les neiges d'empremier ? L'un et l'autre mot ont malheureusement disparu. Que de jolies expressions les puristes ont fait perdre à la langue !




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.