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CHAPITRE VI



Les gammairiens


Il ne faudrait pas conclure de ce que j'ai dit précédemment que, du IXe au XVIIe siècle, il n'y eût pas de grammairiens en France. N'y en eut-il pas eu, que la langue n'en aurait pas moins possédé une grammaire non écrite, comme il est arrivé aux peuples de l'antiquité.
Le fait se constate particulièrement chez les aborigènes d'Amérique. En dehors de toute règle formulée, sans le secours d'aucun maître scolaire du bien parler, les ambassadeurs des tribus huronnes et algonquines revêtaient leurs verbes d'images dont la splendeur rappelle celle de la poésie hébraïque dans la bouche inspirée des prophètes, et leur éloquence s'élève à des sommets que n'atteignent pas souvent les plus fameux orateurs de la Grèce et de Rome.
La forme hautement littéraire des tensons et des poèmes chevaleresques des troubadours, accuse l'existence, dès les commencements du moyen-âge, de règles du parler, où la langue d'oc trouve la coordination syntaxique et la correction grammaticale des langues classiques.
Aucun traité sérieux sur cette matière, datant de cette époque, n'est, malheureusement, parvenu jusqu'à nous.
Les trouvères ne furent pas non plus sans boussole littéraire. Indépendamment de ce qu'ils tiraient de leur connaissance, plutôt imparfaite du latin, ils possédaient des écoles, où certaines règles de composition littéraire leur était enseignées1.

1. – " Tous les dialectes de la langue d'oïl étaient régis par la même grammaire." - AMPÈRE.
" Bien loin d'être un jargon confus et sans règles, ces langues ont, au contraire, une grammaire aussi régulière, une syntaxe aussi arrêtée que les langues les plus élégantes. " SCHNAKENBURG, Tableau Synoptique et comparatif des idiomes populaires de la France, p. 4.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.