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Les premiers rudiments de grammaire en langue d'oïl, que nous possédons, remontent au XIIIe siècle et nous viennent d'Angleterre1.
C'est un Anglais, Palsgrave2, qui commence la série des grammairiens français du XVIe siècle.
Malheureusement pour les lettres françaises, les successeurs de Palsgrave, Dubois, Oudin, Bernhard, Maupas, Garnier, Maigret, Ronbert Estienne, Ramus, Henri Estienne, Nicot, Malherbe, tous les érudits de la langue, qui s'offrent à fixer le glossaire et à arrêter les règles de la grammaire, sont plus versés dans les antiquités grecques et latines que dans le parler des trouvères et des chroniqueurs. Ils ignorent, ou affectent de mettre de côté, en la couvrant de leur mépris, la riche littérature des XIe, XIIe et XIIIe siècles. Ils n'accordent même qu'une attention distraite à ceux de leurs contemporains, et des plus illustres, qui puisent de préférence leur inspiration et vont chercher leurs formules dans les trésors du parler populaire. C'est ce qui explique l'instabilité de la langue, durant tout le cours du XVIe siècle3.
Ce n'est qu'après l'apparition du Discours sur la Méthode de Descartes, des Provinciales de Pascal, du Cid de Corneille, des Précieuses Ridicules de Molière, vers le milieu du XVIIe siècle, le siècle de Louis XIV, le " Grand Siècle ", comme les fervents du " Roi-Soleil " l'appellent encore, que la langue française, grâce à la co-opération de l'Académie, est enfin définitivement fixée.
Viennent Patru et Vaugelas, ce dernier honoré du titre "d'oracle", après qu'il eut publié ses Remarques sur la langue fran-

1. – " Les travaux faits en Angleterre constituent à peu près notre seule littérature grammaticale, antérieure au XVIe siècle. " BRUNOT.
2. – Auteur d'un dictionnaire français-anglais.
3. – " Selon la variation continuelle qui a suivy nostre langage jusque à cette heure, qui peult espérer que sa forme présente soit en usage d'icy à cinquante ans. Il escoule tous les jours de nos mains, et depuis que je vis, s'est altéré de moitié. Nous disons qu'il est asture parfait ; autant en dit du sien chasque siècle." MONTAIGNE (1533-1592), Essai III, p. 9.
Asture se dit asteure, en Acadie, et signifie à présent, à cette heure.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.