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De nombreux philologues et de non moins nombreux grammairiens, versés les uns et les autres dans le parler dialectal, ont essayé de déterminer avec précision les limites qui séparent les deux grands idiomes. Ils n'y sont pas parvenus. Darmesteter a, croyons-nous, trouvé la formule et clos le débat en disant que " la limite qui sépare les dialectes de la langue d'oïl est scientifiquement impossible à déterminer, les patois locaux de l'une des deux langues passant à ceux de l'autre par des nuances insensibles1 ". Un point sur lequel ils s'accordent tous, c'est de fixer ces limites au sud de la courbe que décrit la Loire.
Provisoirement, nous adopterons la corde de l'arc de M. Ampère, une ligne droite tirée de l'embouchure de la Sèvre, un peu au sud de la Loire, au lac Léman, et partageant la France en deux parties à peu près égales2,. Cette ligne touche à l'extrême sud de l'ancienne province du Berri.
Les fondateurs de l'Acadie étaient donc originaires d'une, des deux provinces, confinant à la corde de l'arc d'Ampère ; ils appartenaient à la " zone intermédiaire " dont parle Littré. Or, la langue qui se parlait dans la Touraine et le Berri était, au XVIIe siècle, comme elle l'est aujourd'hui, la langue française, distincte de la romane.
Distincte comme type, comme expression, mais non pas totalement étrangère. S'en rapprochant même d'assez près par certains vocables communs3
Deux idiomes qui se côtoient et se touchent, réagissent nécessairement l'un sur l'autre.
Si le parler de la Touraine et du Berri diffère, sur un grand nombre de points fondamentaux, de la langue romane, il se distingue également, sur plusieurs points secondaires, des dia-

1. – DARMESTETER, Grammaire historique, p. 24.
2. – La ligne de démarcation entre les deux idiomes a fléchi, apparemment, vers le sud, depuis le commencement du XVIIe siècle, sous la poussée du français officiel et de l'école obligatoire.
3. – " Déjà au moyen-âge, on trouve des écrits qu'on est embarrassé de ranger dasn l'une ou l'autre catégorie (langue d'oïl ou langue d'oc), et que se disputent des recueils français ou provençaux. " Gaston PARIS.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.