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Il en est de même pour les syllabes en i des radicaux latins strictum, fidem, pisum, viam, qui donnent étreit, fei, peis, vere, en normand 1, et étroit, foi, pois, voie, en acadien.
Avec moi, toi, roi, adroit, foi, etc, nous entrons en plein dialecte acadien.
La prononciation de la diphtongue oi, en Acadie, est celle de la Bourgogne. De même qu'on a distingué et que l'on distingue encore, par le mode d'affirmation, oc et oui, le roman du français de l'Île-de-France 2, ainsi peut-on différencier, de prime abord, l'idiome de Paris de celui de Normandie, et le parler acadien du canadien, par le son de la diphtongue oi. Le Canadien prononce moé, l'Acadien, moâ.
Des trois dialectes dont est sorti le français officiel, c'est le bourguignon, c'est-à-dire le patois de l'Île-de-France, de l'Orléanais, du Nivernais, de la Franche-Comté, d'une partie de la Champagne, de la Touraine, de l'ancien Berri, du centre de la France, enfin, dont l'influence a été prépondérante 3.
La langue française, telle qu'elle se parle, s'écrit et se prononce, aujourd'hui, n'est ni l'un ni l'autre de ces trois dialectes, non
1. – C'est la manière canadienne de prononcer plusieurs de ces mots, et ce fut longremps la bonne, en France. " Froid, adroit, il croit, droit, se prononcent dans la conversation, frèt, adrèt, il crèt, drèt, étrèt, endrèt, sèt, dit Mauvillon, dans une épitre au Comte Maurice de Brûhl. Mauvillon est l'auteur d'un cours complet de la langue française, publié en1754, une autorité, par conséquent.
Quand Lafontaine, le maître des maîtres de la langue, écrit :
Demoiselle belette, au corps long et fluet
Entra dans un grenier par un trou fort étroit,
il veut sans doute, malgré l'o de l'orthographe à la mode, que l'on prononce à la manière canadienne d'aujourd'hui, étreit, afin de rimer avec fluet, le t final des deux mots se faisait entendre.
2. – L'Ile-de-France se composait du pays compris entre la Marne, l'Oise, le Valois, le Mulcien, et, originairement, comprenait les rives d'Aines et d'Ourq.
3. – " La prononciation française actuelle, telle que l'ont fixée, dans les siècles précédents, la cour, l'Académie et le théâtre, n'est pas exactement celle d'aucun dialecte ; mais il est certain qu'elle incline plus vers le dialecte bourguignon, que vers aucun autre. " AMPÈRE, Formation de la langue française, p. 397.
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