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" J'aimons les filles et j'aimons le bon vin, "
et c'est lui-même, dit-on, qui a composé les mots de cette chanson. Un Acadien ne ferait pas autrement, ni mieux.
La soeur de François 1er écrivait : " J'avons espérance qu'il fera beau temps, veu ce que disent les estoilles que j'avons eu le loysir de voir. "
II y eut même, parmi les grammairiens, contestation entre j'ons et j'avons ; j'ons passait pour populaire, j'avons était plutôt distingué. " J'ons été... N'est-ce pas vrai qu'il faut dire j'avons été" ? (LA RAMÉE).
Plus d'un siècle avant La Rainée, Palsgrave déclarait que l'usage du je, avec un verbe pluriel, j'allons, par exemple, tendait à devenir général dans la langue.
Cet usage était général parmi le peuple, au commencement du règne de Louis XIV, c'est-à-dire, à la date de l'établissement de la colonie acadienne.
On en trouve une preuve dans les Conférences de Piarrot et de Janin, qui parurent de 1649 à 1652. C'étaient des satyres dirigées contre le cardinal Mazarin, et écrites en patois populaire, avec une orthographe phonique.
Les Conférences sont émaillées de j'ons et de j'avons... Le pronom je, comme à la cour, au siècle précédent, et comme en Acadie aujourd'hui, y sert de sujet, tant singulier que pluriel, du verbe . " Pendant stan-là je patisson (pour je patis), 1ère Conférence ; j'estions (pour nous étions) Ve Conférence.
Molière emboîte le pas, et fait dire à une ingénue rougissante :
" Attendez que je soyons marié. "
Dans la même pièce (DON JUAN, Acte II, sc. ii), un paysan en goguette raconte que " J'estions moi et le gros Lucas, et je nous amusions. "
Nous avons ici un exemple du je-nous pronominal, mis pour nous-nous, et de la première personne placée avant la seconde :
" moi et le gros Lucas. "
La dernière syllabe, à la troisième personne du pluriel, présent de l'indicatif, est muette en français ; ils aiment, ils disent, ils prennent. Elle est pleine et sonore en Acadie ; ils aimont,




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.