page



– 83 –


ploi de certaines diphtongues, mé, moé, roé, rei, en Normandie, de certaines consonnes, kien, keval, carger, argant, en Picardie, ne sont-ils cousins qu'à la mode de Bretagne.
Entre le tourangeau, le berrichon et l'acadien, l'analogie est presque parfaite sur tous les points essentiels ; le génie fécondant des trois idiomes est le même ; la langue a été apprise sur les genoux d'une commune aieule. C'est, encore aujourd'hui, après plus de deux siècles et demi de séparation, presque la même prononciation et presque les mêmes vocables. George Sand aurait pu tout aussi bien mettre la scène de François le Champi, de la Petite Fadette, des Maîtres sonneurs, en Acadie qu'au Berri. Les mots de terroir dont elle se sert avec un art si consommé, mots que le lecteur comprend sans les avoir jamais entendus auparavant, tant ils sont limpides et transparents, tant ils reflètent avec fidèleté le génie subtil du verbe de France, se retrouvent presque tous en Acadie, sauf le petit nombre de ceux qu'elle a crées elle-même en trempant son pinceau magique dans les plus pures couleurs locales.
Le dialecte de la Touraine et du Berri s'est peut-être moins altéré, au contact des dialectes avoisinants, que celui des autres provinces de France ; mais il s'est tout de même altéré dans une certaine mesure. Beaucoup de mots et de locutions ont disparu, qui avaient cours au commencement du XVIIe siècle ; la signification de maint vocable s'est modifié ; plusieurs radicaux se sont perdus ; la prononciation même de certaines consonnes a changé sous l'influence prépondérante des idiomes du nord.
Il n'en est pas ainsi en Acadie. La langue que parlent aujourd'hui ceux de la Nouvelle-Ecosse et du Cap-Breton, du Nouveau-Brunswick et des Iles-Madeleines, est la langue même que parlaient leurs ayeux avec Razilly et D'Aulnay de Charnisay, lorsque le pays fut fondé, dans la première moitié du XVIIe siècle, et avec Subercase, en 1710, lorsque les Anglais le réduisirent sous leur domination.
Elle s'est conservée intacte et s'est perpétuée sans altérations sensibles, sauf en ces derniers temps par suite de l'introduction d'anglicismes, malheureusement trop nombreux. Le parler de l'Acadie est, par conséquent, le parler même du centre de la




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.