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ouvert à Paris. Ainsi dans éducation , la syllabe ca se prononce ici à peu près comme le substantif cas : éducâtion .
A la fin des mots, l'a parisien, très ouvert, dans papa, Canada , n'existe pas ici ; c'est l'a moyen qu'on entend.
Appas, combat, soldat, etc., se prononcent approchant1 de la même manière, des deux côtés de l'Atlantique, quoique avec un son un peu moins ouvert, de ce côté-ci.

A et E davant R

Ces deux sons, en ancien français, semblent se confondre, ou, tout au moins, se mêler dans un grand nombre de mots, chez les écrivains, aussi bien que parmi le peuple. On trouve dans Rabelais seul, cent exemples de l'emploie d'un a où l'Académie met aujourd'hui un e : " Ils nous présentarent l'accolade ;
" Les fouaciers aidarent à monter ; " " les musiciens cessarent "; " ils la resaluarent ; " " tant firent et tracassarent ... qu'ils arrivarent à Séville et détroussarent hommes et femmes. "
Cet emploie de a pour e se retrouve fréquemment à l'île du Prince-Edouard2, surtout dans les mots où e est suivi des liquides 1 ou r. On en trouve aussi des traces aux Iles-Madeleine et à la Nouvelle-Ecosse.
Au Nouveau-Brunswick, nous mettons, dans les verbes, un e où l'Académie en met un, dans chantèrent, par exemple ; mais, dans les substantifs, a se substitue souvent à e, lorsqu'il est suivi de la liquide r. Par toute l'Acadie nous disons avec Agrippa d'Aubigné, le compagnon d'armes de Henri IV : un sarcle pour un cercle ; avec Ronsard nous faisons rimer armes avec fermes ; avec Jean Marot, (Voyages de Gênes) gendarmes avec termes.
Les grammairiens ont disputé longtemps pour savoir s'il fallait mettre a ou e dans éternuer, berlue, perroquet, merrain

1. – Approchant, s'emploie couramment, en Acadie, comme adverbe, avec le sens de à peu près.
2. – L'île Saint-Jean, sous la domination française. La population de l'île est d'environ 90,000, dont 14,000 Acadiens.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.