page



– 89 –


frére, ménagére, cuillére, avec qui rimer convenablement1.
Dans mer, l'é est ouvert, en Acadie,; dans mére il est fermé.
Nous ne savons pas au juste comment se prononçait, aux origines de la langue, le e de père, mère,
etc., qui s'écrivait sans accent.
Au XVIe siècle, il était apparemment fermé, à Paris, et l'on disait, comme aujourd'hui, en Acadie, pére, mére. Il n'est devenu franchement ouvert, avec un accent grave, qu'au temps de Voltaire.
L'analogie du son de l'e, entre le masculin le féminin des mêmes mots, persiste, en Acadie, dans un nombre assez considérable de substantifs, où, depuis le XVIIe siècle, elle a cessé d'exister, en France. L'e est fermé, en Acadie, dans bergére, messagére, engagére (servante), vachére, meuniére, aussi bien que dans berger, messager, engager, vacher, mueunier. En France, il est fermé dans les macsulins et ouverts dans les féminins : meuniér, meunière, etc.
Nous sommes ici en présence d'une demi-phase de la transition des sons qui s'est faite, du XVIe au XVIIIe siècle, entre l'é fermé et l'è ouvert. Ce serait, en notation musicale, une note chromatique, si l'on peut dire, voire discordante.
La transition du timbre é en è, a été, comme le changement de o en ô, puis en ou, ou inversement, lente et graduelle.
Il a dû exister un e moyen, entre l'éé fermé de père, au XVIe
siècle, et l'è ouvert de père, au XVIIIe siècle. De fait:, on a prononcé pér (é fermé), puis per (e moyen) et enfin père (è ouvert).
Cet e moyen, qu'il est impossible de noter avec précision, se retrouve-t-il quelque part, en Acadie ? Je ne suis pas éloigné de le croire.
Evèque, mèsse, poèle, se prononcent de la même manière, avec un è ouvert, à Tours, à Montréal et à Shédiac.

1. – Hindret, en 1687, concède à certains mots en ère, ménagère par exemple, le droit de rimer avec ceux en ére. C'était durant la période de transition.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.