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at'ler pour atteler, qu'il se pend', pour qu'il se pende, tout comme on disait , en France, au XVIIe siècle, et comme c'est encore aujourd'hui la bonne manière1, sauf pour les vers. Nous prononçons aussi ch'val, d'main, c'pendant, ch'min, etc.
En combinaison, l'e s'agglutine parfois, chez-nous avec le pronom démonstratif, pour se fondre avec lui et ne plus faire qu'un seul vocable, lequel peut être, grammaticalement, d'une nature différente de ses éléments constitutifs. A cette heure, par exemple, locution composée d'une préposition, d'un pronom démonstratif et d'un substantif, devient asteure2, un adverbe de temps.
Cestuy-cy, cestuy-la, puis cettuy-ci, de l'ancien français, dont le XVIIe siècle a fait celui-ci, celui-là, se dit en Acadie, sti-ci (ou plutôt sticite), stila, en un seul mot, sans e. Rien ne prouve que la prononciation de cestuy-cy n'était pas, originairement, stuy-cy, d'où le vocable acadien3.
Au XVIe et au commencement du XVIIe siècle, l'orthographe savante, fondée sur l'étylmologie, correspondait moins à la prononciation qu'en aucun siècle antérieur4. Il faut souvent aller chez le peuple pour la retrouver.

1. – " Déjà, au XIIIe siècle, il paraît y avoir une orthographe pour les gens instruits et une orthographe des gens illettrés ; mais la prononciation était la même'. " Th. ROSSET.
2. – " Asteure sont les miennes proprement honteuses et peneuses, " MONTAIGNE. On trouve à steure dans la 2ème Conférence.
3. – " Ste était une graphie désagréable aux grammairiens. C'était cependant, la prononciation ordinaire, aux XVIe et XVIIe siècles, et même on l'entendait dans la chaire. "
" La prononciation fixée par les grammairiens est celle d'une langue aristocratique parlée par des grands seigneurs et de belles dames et des écrivains réunis dans un salon. " Th. ROSSET.
4. – Dans Montaigne seul je relève : aspre, esbouche, asne, maistre, establir, mesnage, accoustumé, escossois, espaule, escripte, je preste, respondoit, estendu, honneste, couste, esbranlé, esloigné, chaisnes, esgratignures, estre, chasque, plustot, estat, espaules, estrive, respond, testue, quester, mespris, tempeste, mesnage, bestise, mesme, desdaigneux, bastir, espinette, aultre, subject, ceulx, chault, aultruy, mieulx, maulx, veult, oultre, faudroit, devroit, fault, coud, dessoube, vault, saulter, poulce, adventure, cogneu, aucteur, goust, nuict, droict, etc, etc.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.