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lettre r, il sonne le plus souvent en a, à l'île du Prince-Edouard : affare, tarre. Ces deux dernières manières constituent plutot des exceptions, et c'est à peu près comme à Paris : faire, affaire, se taire, que nous prononçons, en règle générale.
Le français dit agneau et le franco-acadien aigneau. L'un et l'autre a sur quoi s'appuyer. Une pièce de monnaie, du temps de saint Louis, porte tantôt agnel et tantôt aignel.
Le français a montagne et Montaigne ; nous avons montagne et montain. Ce dernier mot, presque toujours au pluriel, signifie plutôt une chaîne de montagnes.
La prononciation de tous ces mots est la même en Acadie qu'en France. Mais, au lieu de plane, l'érable plane des botanistes, l'acer planatoïdes des savants, nous disons plaine, de la plaine.
Certains dérivés, irréguliers pour l'Académie, sont réguliers dans la bouche de nos paysans. Clair, clarté, par exemple; formés de clarus, se disent clair, clairté, en Acadie, comme au XVIe siècle, d'ailleurs, témoin Marot qui écrit : " Et le ciel Blanchissait de clairté les peuples d'Orient. "
Tous ces ai ont le son ouvert de l'e surmonté d'un accent grave ou circonflexe : éclère, clèrté,.

I

Le son i, est le même en Acadie qu'en France, soit au commencement, soit à la fin, soit dans le corps des mots : imprimerie, inimitié. Il est bref dans vif et long dans vive, sourire, souffrir, etc.
I se substitue à u dans riban pour ruban, ou plutôt s'y maintient1, puisqu il s'y trouvait au commencement du XVIIe siècle :
Je voudrais être le riban
Qui serre ta belle poitrine. (RONSART).
Il entre aussi dans l'adjectif numéral un : Veux-tu in fruit? Prends en y'in.
I disparait dans bien, sillon, pour laisser survivre l'antique

1. – Le français a ribambelle, formé sur riban. L'i se retrouve dans l'anglais ribbon. L'étymologie du mot reste inconnue.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.