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forme populaire, ben, seillon1. D'un autre côté, nous le mettons à la place de e dans calmer, qui fait calmir, chez nous.
La langue maritime de France a calmir pour calmer, et la langue officielle a consacré accalmie.

O

Le son o, simple, quand cette voyelle se présente seule, est difficile à rendre et à figurer dans ses variations. Il est tantôt bref : cotte, mol, rosse, tantôt long : impôt, corps, fousse (fôsse), rarement moyen. En tous cas, on ne distingue guère la voix moyenne, tant en France qu'en Amérique.
C'est dans les combinaisons de o avec i et u que le dialecte de l'Acadie se distingue surtout de celui du Canada français, aujourd'hui la province de Québec. La dipthongue ai se retrécit et donne le son oué dans la bouche d'un Canadien ; elle s'élargit, à la fin des mots, et donne le son ouâ ou wâ, en Acadie.
De même qu'on a distingué, selon la manière de prononcer oui, la langue d'oc et la langue d'oil, c'est à dire le parler du sud et celui du nord de la France, on pourrait, par la manière différente de prononcer la dipthongue oi, dans moi, toi, par exemple, appeler le français canadien la langue d'oué et le français acadien la langue d'ouâ. Nous avons étudié les deux sons au chapitre VIII.
Le son oi, ou wâ, apparaît, pour la première fois, au XIIe siècle, dans la langue écrite. Il nous vient de l'est, de la direction de la Suisse. Il est germain ou celtique. Il n'est pas latin, en tout cas. Le o latin a donné, capricieusement, au français, o, ou, eu, comme douleur, endolori, qui viennent l'un et l'autre de dolor. Le plus souvent l'u latin se traduit par ou, comme dans ours, formé de ursus.
C'est ordinairement par é, ei, oi, (ouâ) que nous rendons la

1. – Oudin, grammairien célèbre du XVIe siècle, veut que l'on prononce bien, au lieu de ben ou bain, qui était la prononciation courante.
Seillon est l'antique forme française, que l'on retrouve dans le Roman de Renart (XIe siècle), et, subséquemment, dans maints autres écrits, prose et vers.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.