page



– 97 –


en Europe, les Hongrois, et les Suédois1, à côté des Ecossais, des Béarnais et des Portugais. Nous avons, en Amérique, les Illinois et les Bostonnais. Les harnais que l'on voit à Beauharnois, joli village des environs de Montréal, pourraient tout aussi bien être des harnois, attendu que les poètes, tant du Canada que de France, ont licence, à leur choix, d'écrire et de prononcer harnais, ou harnois, selon le besoin de la rime.
Les Acadiens disent, sans souci des privilèges et licences de la prosodie, dont ils ignorent les règles, Ecossois, harnois, épaves de l'ancienne prononciation ; mais ils ont, en commun avec les Canadiens et les Parisiens : anglais, français, bostonnais (prononcé bastonnais) etc.
II y eut dispute entre o et ou, au XVIe siècle. Des grammai-riens très savants voulaient un o dans homme, pomme ; d'autres non moins savants, voulaient un ou, et que l'on prononçât houme, poume. Ce fut la bataille des ouistes et des non-ouistes. L'esprit s'en mêla - l'esprit est de toutes les fêtes, en France - et des épigrammistes prétendirent que les partisans de l'ou chousaient2.
La querelle se termina, en 1660, par un compromis. Les syllabes toniques allèrent de ou à o ; ce fut sur ce point particulier, une victoire pour les non-ouistes.
Dans un certain nombre d'autres mots, les combattants couchèrent sur leurs armes. Il y eut perte et gain - arbitraire - de part et d'autre. Il y eut même échange de prisonniers, si l'on peut dire, en ce sens que certains o passèrent chez les ou et certains ou chez les o. Somme toute, ce fut o qui l'emporta, à l'Académie. En Acadie, ou est resté maître presque incontesté du terrain. On peut même dire que nous chousons, depuis le Cap-Sable, en la Nouvelle-Ecosse, jusqu'au Havre-aux-Maisons, aux Iles-Madeleine.
Cette question de prédominance entre ou et o, dans les mots comme houme, homme, boune, bonne, persoune, personne, chouse,

1. – Montaigne a : les Russois.
2. – "On chousait encore au milieu du XVIIe siècle, comme au temps de Henri II, " nous dit Brunot, dans son Histoire de la Langue.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.