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chose, mérite qu'on s'y arrête, parce que ou, mis pour o, est une des caractéristiques du parler acadien, quoiqu'il arrive, dans certains cas : formie, jornée, pour fourmie, journée, par exemple, que nous mettions un o là où l'Académie met un ou.
Il s'agit d'abord de savoir quelle était, au juste, en latin, la prononciation des voyelles o et u, d'où nous viennent la plupart de nos o et de nos ou.
On peut presque affirmer que u se disait ou, à Rome, au temps de Cicéron.
Pour o, la question est plus mal aisée à résoudre. Le son de cette voyelle semble s'être, en bien des cas, rapproché de celui de notre diphtongue ou, mais de combien près ? Il est certain qu'il ne se confondait pas avec elle, quoique honorem, favorem, pour ne citer que deux exemples, aient donné au vieux français, honour, favour. Dans le Serment de 842, on trouve pro Deo amur, mais on trouve aussi amor dans les très vieux auteurs.
Amur représente ici le son latin de amor, que nous prononçons aujourd'hui, et qui, dès le XIIe siècle, se prononçait amour :
Tant s'est amours affermie
En mon cuer (coeur) à long séjor (COUCI).
Dans un grand nombre de mots où le français moderne met la voyelle o, l'ancien français avait la diphtongue ou, et cela par toute l'étendue de la Gaule, où le roman était parlé, au nord aussi bien qu'au sud, témoins les nombreux exemples qui nous en restent, en Normandie et ailleurs.
D'un autre côté, l'o du dialecte roman remplaçait notre ou moderne dans beaucoup de vocables : forches, pour fourches, joster, pour jouster, roller pour rouler, jornée pour journée, tosjours pour toujours, doloreuse pour douloureuse (Marie de France, godron, pour goudron, porcelaine pour pourcelaine (prononciation populaire), trouer pour trouver1. Montaigne nous donne porceau.
Les exemples abondent de l'un et de l'autre, de o devenu ou et de ou devenu o, dans le vieux français, sans que l'on puisse, au moyen d'aucune règle d'étymologie, débrouiller cette confusion :

1. – La jurisprudence anglaise a conservé cet o dans treasure trove et trover.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.