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Agrippa d'Aubigné et Marot chousent à qui mieux mieux :
Mais dans la main des dieux jalouse,
N'endurera que telle chouse,
nous dit ce dernier, pour ne le citer qu'une fois. Saint François de Sales1 prêche la charité " arrousant une âme. "
Les exemples se peuvent trouver sans fin de l'emploi de ou dans les mots qui ont o aujourd'hui, et inversement, chez tous les écrivains du XVIe siècle.
Jacques Cartier, le découvreur du Canada, qui était du pays des bounes poumes et des grands houmes, se sert du mot arrouser, dans son épitre à François 1er.
Je ne trouve guère de ou pour o dans Champlain, qui venait de Brouage, près de Larochelle, dans la Charente-Inférieure.
Lescarbot a " rousée, " " houme ", etc.
Lescarbot, comme il a été dit plus haut, était parmi les premiers colons de l'Acadie (1606), et son Histoire de la Nouvelle-France fut en partie écrite à Port-Royal2 même.
Rabelais, Jacques Cartier, Lescarbot, écrivaient, en somme, comme l'on parlait à Paris.
Maigret, le grammairien, recommandait le son ou, pour l'avoir vu florissant à la cour de François ler. De la cour de François 1er il avait passé successivement à celles de Henri II, de Henri III, de Henri IV et de Louis XIII ; témoin ce quatrain de la Satyrique de la Cour :
" Il faut, quiconque veut être mignon de court,
Gouverner son langage à la mode qui court,
Qui ne prononce, pas diset, chouse, vandre,
On dira qu'il est paysan. "
Balzac, dans une lettre datée le 20 juin 1640 et adressée à son ami Chapelain, nous conduit au seuil même du règne de Louis XIV3 : " Rome, lionne, dit-il, se prononcent Roume, liounne, par toute la France. "

1. – Natif de Genèse, en Suisse.
2. – Aujourd'hui Annapolis-Royal, en l'honneur de la reine Anne, sous le règne de qui cette ville et toute la contrée passèrent à l'Angleterre.
3. – Il monta sur le trône en 1643, à l'âge de cinq ans.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.