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" J'ai parfait toute chouse ", nous dit Ronsart.
On chousait encore, au milieu du XVIIe siècle, comme au temps de Henri II, nous dit Brunot, dans son Histoire de la langue française.
Quand le Roi-Soleil manifesta le désir de voir le langage, vocabulaire et syntaxe, soumis à des règles dont les bienséances de cour serviraient de modèle, les Quarante Immortels, pour qui le bon plaisir du monarque était un ordre suprême, se mirent éperdument à la tâche.
Une réaction s'était récemment faite en faveur de o parmi les beaux esprits1. L'Hotel de Rambouillet y prêtait la main, et le monarque daignait le trouver bon. Les grammairiens n'eurent plus à hésiter ; leurs suffrages se portèrent sur o, dans les mots où la consécration de ou n'avait pas été irrémidiablement faite par les auteurs accrédités.
Le triage des o et des ou n'alla pas sans de sérieuses difficultés. On n'avait pour se guider aucune règle sûre ; les lois de l'étymologie, telles que pratiquées par les maîtres, aujourd'hui, étaient étrangères aux grammairiens d'alors, et la connaissance qu'ils avaient des écrivains français des siècles antérieurs, écrivains qu'ils méprisaient, d'ailleurs, pour la plupart, était des plus superficielles. Le résultat fut un compromis.
Parmi les mots populaires, qui perdirent ou et prirent o, Nisard2 relève : assoumer, boune, couchon, brouche, chouse, coulère, doumage, drougues, égourger, douré, fourcer, froument, fousse, grous, gourge, honnête, mout, (mot) noutre, voutre, pourter, pourfit, (profit) poulisson, pouche, pousséder, roube, (robe) roussignol, repous, sourcier (sorcier), troune, tantout, tresour, outer, nouces, nous (nos), vous (vos).
Quelques-uns de ces mots ont conservé ou, et d'autres ont pris o, dans le parler acadien.
Ont conservé ou : assoumer, boune, chouse, doumage, fousse,

1. – Nous apprenons par Vaugelas, que les honnêtes gens se débarrassaient des ou démodés, quoique les courtisans persistassent, pour quelque temps encore, à chouser.
2. – Etude sur la langue populaire, p. 161.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.