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grous, hounête, outer ; les autres noms, pronoms, et verbes s'écrivent avec un o et se prononcent comme à Paris, aujourd'hui.
Mais il nous reste d'autres mots en ou, en dehors de la liste de Nisard : poume, piroune (jeune oie), pougne, outer, ous,(os) arrouser, rousée, renfrougnée, bourne, coumis, routir, routi, soumeiller, foussé, etc.
S'il était possible de formuler une règle, je dirais que, devant une nasale simple, l'o garde, chez les Acadiens, la prononciation qu'il a en France : bon, fripon, nom ; mais quand m ou n se double, en français, l'o qui précède s'allonge en ou, et le premier des deux m ou n tombe : une boune persoune, une fripoune, noumer, etc. Devant toute autre consonne, c'est l'usage qui détermine l'emploi de o et de ou.
Comment ou s'est-il transformé en o dans ces mots, et dans un grand nombre d'autres, et, inversement, par quel procédé o est-il, dans plusieurs cas, devenu ou ? La manière dont les Quarante Immortels firent le triage des o et des ou, sous le regard olympien de Louis XIV, ne prouve rien, au point de vue philologique. Leur décision fut de l'arbitraire linguistique, érigé en statuts, ayant force de loi, avec la sanction d'un pouvoir souverain. Le peuple procède autrement.
S'il n'y a pas dans la nature, de saut brusque pour la mutation des espèces, il n'y en a pas davantage pour l'évolution des mots, de leur sens et de leur prononciation par le peuple. Le u latin a pu, du premier coup, donner ou à la langue romanoceltique, parce que les deux voix se traduisent l'une l'autre ; parce que les deux sons se confondent, et que les deux langues-mères, le latin et le celtique, sorties l'une et l'autre de la même matrice, avaient conservé des traits communs de ressemblance ; mais u n'a pu devenir o en français et o se changer en ou, que graduellement.
Les phases chromatiques, si je puis dire, par où le son de l'u et de l'o latin ont passé en se transformant, n'ont pas été notées, en français ; notre alphabet, surtout pour les sons étrangers au latin, étant peu phonétique.
Cela est tellement le cas, qu'il nous est parfois impossible, en lisant les vieux auteurs, de discerner, par la graphie, si, dans le
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