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mot que nous avons sous les yeux, la voyelle o est longue ou brève, ou même, en certains cas, si elle donnait le son de ou, ou de ai.
Dans ce vers de la Chanson de Roland : . . . " En la fosse des lions où (Daniel) fut enz ", comment Charlmagne et ses paires prononçaient-ils fosse ? Etait-ce foce, fôce, ou fousse ?
Sept siècles après l'apparition de la Chanson de Roland, comment Molière prononçait-il le même mot épelé de la même manière, dans ces vers de l'Etourdi : Act. II, sc. 2 :
Il s'est fait en maint lieu contusion et bosse
Et vient d'accompagner son papa dans la fosse.
Comment un étranger le prononcerait-il, aujourd'hui, s'il le voyait pour la première fois, soit dans un livre, soit même dans un dictionnaire ordinaire, et qu'il connut l'exacte prononciation de l'Académie donne à brosse, rosse, carosse, Ecosse ?
Littré condamne ces deux vers de Molière, comme ne donnant qu'une assonance, au lieu d'une rime. Je serais porté à me ranger du côté de l'auteur de Tartufe, et à croire que fosse et brosse rimaient suffisamment ensemble, au XVIIe siècle, soit que l'o de fosse fut bref, soit, plutôt, que celui de brosse fut long. L'examen du radical de l'un et de l'autre terme peut laisser supposer l'une et l'autre prononciation.
Ces deux mots rimaient l'un avec l'autre en Berri et, sans doute aussi, dans tout le centre de la France, au temps où vivait Molière, puisqu'ils riment ensemble, aujourd'hui, en Acadie. Seulement ils se prononcent, ici, l'un fousse, l'autre brousse. L'o long de fôsse et l'o bre f de brosse se sont l'un et l'autre allongés en ou, où ils se confondent.
Ne pourrait-on pas déduire de ceci que la tendance de l'o dans une certaine classe de mots, ceux qui se terminent en osse, par exemple, a été de s'ouvrir en ô, puis en ou. L'Académie a arrêté, au passage, le développement de certains mots que les écrivains n'avaient pas encore consacrés.
Ce qui paraît certain, en tous cas, c'est que le son de l'o a varié, en Français, dans un nombre assez considérable de vocables.
Non seulement le u, le o, et le au du latin ont donné des sons




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.