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trairement remplacé ou par o dans les mots dont Nisard a dressé la liste, n'en ont pas moins, l'usage établi leur en faisant une loi, conservé ou dans un grand nombre de vocables : bouche, boucle, croûte, fourneau, fournaise, tourner, tourment, four, poulain fou, coup, etc., etc., que nous avons conservé, nous aussi, en Acadie.
Il sont allés plus loin, ils ont mis ou dans un certain nombre de mots où l'ancien français avait o. Cet o, rejeté arbitrairement par " le bon plaisir ", a été, dans quelques mots particuliers, conservé, en Acadie, ce qui constitue un renversement des rôles des roles, des rooles, des rolles, des roules ou des roues3, comme on voudra.
Le dictionnaire de l'Académie écrit fourmi, fourmillère, fourmiller, fourmillement ; nous disons formi, (de formica), prononcé formye. La prononciation de ce mot balançait, au XVIIe siècle. Formi est resté dans le jargon de la fauconnerie, ce qui lui est un certificat d'ancienneté.
On écrit houblon, avec un ou, en français, sans trop savoir comment cet ou est entré dans le mot. Nous disons hoblon, en Acadie, probablement parce que ce mot est un dimunitif de hop, hop-lon, et, que, sans le savoir, nous l'avons pris aux Anglais, ou peut-être aux Danois, ou encore aux Wurtembergeois, ce qui revient au même. La langue hésita, durant tout le XVIIe siècle, à en fixer l'orthographe. Ce n'est qu'en 1674, à la première édition de son Dictionnaire, que l'Académie, en rupture d'étymologie, rejeta o pour prendre ou2.
L'arabe a kathran, formé de katharan, qui signifie goutte à goutte. De ce mot les grammairiens ont fait goudron, avec un ou, et les paysans du Berri, godron, avec un o. En Acadie, le godronneux, en souvenir de ses ayeux des bords de l'Indre, godronne sa barge3 avec du godron.

1. – On trouve dans les vieux auteurs ces diverses manières d'épeler ce mot.
2. – Houblon peut aussi venir d'un mot de la basse latinité, hupulum ; mais les Quarante ne connaissaient apparemment pas plus l'existence de cette racine que les Acadiens celle de hop-lon.
3. – Barge, bateau de pêche, un peu moins grand que la goélette. Ce mot est de l'excellent vieux français.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.