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Le relève quelques autres mots marqués d'un ou par l'Académie, qui ont pris, ou conservé l'étiquette o, chez nous : croupion, par exemple, que nous disons cropion, ou cropignon1, jour, journée, aujourd'hui2, qui font jor, jornée, aujord'hui, quoique nous disions aussi, jour, journée, aujourd'hui.
Nous avons également torner pour tourner ; s'en retorner pour s'en retourner3 ; coppe pour coupe4, etc.
On dirait que c'est ici la langue académique qui chouse. Cela ne consiste en rien5 ; quoiqu'elle fasse ou entreprenne, la langue académique est la véritable langue française, la seule, l'unique, aux décrets de laquelle il faut se conformer, sous peine de parler patois. Elle est la règle absolue, la forme définitive. Elle jouit du privilège du souverain d'Angleterre 6, et ses décrets, comme ceux des Bourbons, sont de " science certaine. "
L'Acadien qui dit une grousse poume, un boun houme, mes cheveux grisounent, nous avons une belle autoune, je m'en vais faire un soume, j'ai mal à l' estoumac, ce foussé est mal fait, parle comme on parlait au prône 7 et à la cour, sous Henri IV 8, à la date où De Monts, Champlain, Poutrincourt, fondaient la Nouvelle-France d'Amérique. Il ne lui en est pas tenu compte.
1. – " Plus n'en ay le cropion chault. " VILLON.
2. – Jor est du provençal et aussi du vieux français : " La cour ajorne les parties à jor nommé. " Assises de Jérusalem.
" Cum longuement serai-je affilez (affligée) de mort tote jor. " Saint BERNARD, Sermons.
3. – On trouve fréquemment torner dans l'ancien français : " Quar Grieu (les Grecs) tornèrent le dos et furent desconfis, " VILLEHARDOUNI Torner se dit encore dans le Berri. Nous disons aussi tourner ; mais cette forme nous vient, je crois, des missionnaires.
4. – Coppe nous est peut-être venu de l'anglais cup (prononcé coppe), quoique ce soit certainement du bon vieux français. " Et li rois Uters avoit devant lui une moult bele coppe d'or. " MARLIN.
5. – Locution acadienne qui signifie : cela ne fait pas de différence, cela n'a pas d'importance.
6. – The King can do no wrong, le roi ne peut mal faire.
7. – On entend des prédicateurs et des personnes d'esprit qui prononcent la ville de Roume. " DUMAS, (1733), Th. 11, 525.
8. – ...Chouse... comme on prononce à la cour " Henri ESTIENNE, Traité de la langue française-italienne.
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