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quats, les lettre de l'alphabet latin, pour la notation de nos voix.
Ces lettres ont de tous temps été inhabiles à rendre certains sons étrangers au forum romain, ceux, par exemple, qui sont sortis de la combinaison du latin rustique avec le celtique et le germain, dans les Gaules.
Les premiers scribes marquèrent les sons nouveaux de la langue naissante avec des signes antiques ; leurs successeurs,. écrivains et copistes, firent et ont continué de faire de même, jusqu'à nos jours.
Ni les uns, ni les autres, n'ont jamais songé sérieusement à perfectionnner les instruments de notation propres à la langue. On rendit comme on put les sons nouveaux sur un clavier auquel il manquait des notes essentielles. Ce fut, en certains cas, comme serait l'ouverture de Faust, à l'Opéra, joué avec les seuls instruments de musique en usage à Rome, au temps des divins empereurs : la flute, la lyre et la cithare.
Or, notre alphabet, aujourd'hui, n'est guère mieux outillé que ne l'était celui des clercs qui ont graphié le Serment de 842 et les Gloses de Reichenau. Nous ne faisons ni autrement, ni apparemment mieux qu'eux.
Pour rendre adéquatement des voix et des combinaisons de voix nouvelles, il faut des signes nouveaux. Ajoutons que pour le latin même, les lettres de l'alphabet français et celles de tous les alphabets comtemporains, calquées pourtant sur celui des Romains, ne traduisent pas, ou traduisent imparfaitement, le son, l'accent, le timbre, antique. Chacune de ces lettres, voyelle ou consonne, rend plutôt le son, le timbre, l'accent particulier de la langue de celui qui parle.
Le même mot latin, produit un son différent dans la bouche d'un Français, d'un Anglais, d'un Russe, d'un Turc, ou d'un Italien, causant ensemble. Ce n'est plus la même langue ; c'est quelque chose d'étrange, d'inoui, d'incompréhensible, de barbare, qui semble n'avoir rien de commun avec le latin. Que si l'on doute de ceci, qu'on fasse lire un passage de Cicéron par un Russe, et le même passage par un Anglais, un Français ou




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.