page



– 114 –


âge, répandu dans tous les idiomes de France. On l'entend encore en diverses localités de la République, très éloignées les unes des autres, au sud, à l'ouest, au centre, au nord. Quel était-il ? Celui, j'oserai dire, à n'en pas douter, que les habitants de la Touraine et du Berri, au commencement du XVIIe siècle, et bien auparavant, donnaient, et que les Acadiens donnent aujourd'hui, aux consonnes, c, k, et q, suivies de u : culotte, cul-de-sac, chacun, quille, etc.
Il me semble, quoique ce soit présomption grande de ma part, que quelques-uns parmi les maîtres de la philologie contemporaine, se sont laissées induire en erreur sur les sons exacts de certains mots, au moyen-âge, à cause de la manière imparfaite et peu phonétique dont ils sont rendus dans les écritures.
Qui, dans une lettre reçue des Sables d'Olonne, où se trouve le mot itchi, se douterait que c'est ici qu'il a devant les yeux? Si c'est un Poitevin qui nous avertit dans un billet qu'il est vindju vous voir, soupçonnerez-vous, qu'il est venu vous voir ? Le paysan canadien que vous voyez priant Yieu, prie en réalité le bon Dieu, dont il épellera, comme vous, le Saint Nom par un D. Les Guernesais, de leur, côté, l'épellent avec un g, le buan Gu, s'il faut en croire les Rimes guernesaises.
Quand, de ma meilleure écriture, je demande au Président de l'Alliance Française, à Paris, quel est le programme des comités de Propagande, aucun effort de son imagination ne lui ferait soupçonner que j'ai dit tchel, exactement comme les Italiens prononcent cel dans celo.
On ne peut pas toujours se fier aux sons phonétiques, orthographiés, et maints vocables, aux premiers siècles de la langue, et même plus tard, s'écrivaient d'une façon et se prononçaient d'une autre.
Pour ma part, j'incline à croire que tian, dans christian, Serment de 842, se prononçait tchien1, à peu près comme il se pro-

1. – Le dh du Serment, mis apparemment pour tch (le t dans tch suivi de u, est une palatale très fortement schuintante) peut s'expliquer par le fait que, en Acadie, la consonne d, dans certains cas que nous verrons plus loin, tient lieu également d'une palatale très schuintante. Di, dans adieu et g dans gueux, donnent à peu près le même son : djeu.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.