page



– 119 –


Dans croc, grapin de fer et aussi dans croc, terrine, le c final se fait entendre ; mais il est muet dans croc, dent de chien. Il est muet, comme en France, dans accroc (accro) ; mais il sonne dans raccroc1.
G a le son de c dans bourg, comme à l'Académie. Le nom propre, que le Père Justinien Durant, ancien missionnaire de Saint-Sulpice, à Port-Royal, écrit invariablement avec un g, s'orthographie Bourque, aujourd'hui, par toute l'Acadie.
Le c et le g se confondent souvent dans les mots qui nous viennent du tudesque. A côté de bourc, ou bourque, il y a faubourg (foris-bourgus, en dehors de la ville) où le g tombe tout à fait.
Nous disons jouc pour joug, en Acadie ; ce qui porte à croire que ce mot nous est venu par voie allemande, joch. Il se prononce jonque, en France, aujourd'hui ; mais il donnait jou, au XVIIe siècle.
Juchoir se dit juc par nos gens ; se juquer, c'est se jucher. Les autres mots se terminant par uc, se prononcent ici comme au théâtre de Molière.
D'où vient le mot français bouder, avec lequel, au XVIIIe siècle, on a fait, paraît-il, boudoir, à l'usage des belles marquises ?
Nous disons bouquer, en Acadie, pour bouder : il se bouque, il boude. Pronominal, le verbe se dit des personnes ; intransitif, il s'applique aux animaux, avec une légère différence de sens ce cheval bouque, est synonyme de ce cheval est rétif2.
La persistance du g atone, dans les mots français dérivés de l'allemand, est assez souvent le produit d'une graphie savante, qui s'est évertuée à laisser dans l'orthographe des jalons étymologiques. Cette tendance nous vaut une multitude de d, l, s, c, étymologiques, ou prétendus tels, dans les mots de provenance latine, qui, à l'origine, n'étaient pas prononcés et n'avaient pas

1. – Célébration du jour qui suit les noces. Les noces, accompagnées de danses en rond, si M. le Curé les permet, se font, chez le père de la mariée le jour même du mariage, et se continuent, le lendemain, chez le père du marié ; cette seconde célébration se nomme raccroc.
2. – Se rattache à l'anglais to baulk, ou balk.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.