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encore, dans la graphie contemporaine, où le d se prononce invariablement tel qu'il s'écrit.
Quand Victor Hugo veut le faire entendre, il le combine, à défaut d'autre moyen à sa disposition, avec dj, et il intitule son ode : Les Djins.
Vadé, sur le mariage du Dauphin, fils de Louis XV, écrit
Enfin, v'la qu'c'est donc bâclé,
V'la l'Dauphin dans son ménage ;
Le bon Guieu s'en est mêlé,
Cà fait un bon assortissage.
Bien longtemps avant Vadé, Cyrano de Bergerac, aussi. (Le Pédant joué, Acte II, sc. 3) écrit Guieu (Dieu) guièbe, (diable) avec un g, ne trouvant pas dans l'alphabet d'autre note pour rendre le son de di et de dia1.
Vadé était du XVIIe siècle ; Cyrano du commencement du XVIIe. Mais voici que Gabriel Nigond, poète à nous contemporain, se heurte à la même difficulté et s'en tire, comme ses prédécesseurs, en ayant recours à la consonne g
" Si j'vous mentis, que l'giable m'emporte. "
Il aurait aussi bien pu écrire guiable, ou mieux encore djable, quoique ni l'une ni l'autre manière ne rende adéquatement la voix que di et dia produisent dans la bouche de nos paysans.
M. J. A. Chapais, dans une étude sur la terminalogie dialectale de l'habitant2 du Bas-Canada, écrit aussi lui, guiable pour diable. Les Picards disent Guieu pour Dieu. D'autres, du nord de la France, ont le yable, le bon Yeu. Le fait est qu'il est impossible de rendre ce son là par la graphie.
J'ai dit, sans être en état d'en fournir la preuve, que le son doux et mouillé du d, dans dia, die, di nous vient, selon les apparences, du celtique. Il pourrait aussi bien nous venir du latin. Nous ne savons pas au juste comment se prononçait le d latin. devant une diphtongue, ni devant les voyelles i et u. Nous

1. – En néo-grec, on dit yia pour dia.
2. – Cultivateur, en France ; fermier, en Acadie.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.