qui y croît s'appelle
foin de prée ou grand foin, par opposition au
foin doux, qui croît sur les terres
hautes. De ce mot nous vient
la Prée-d'en-Haut, village acadien au Nouveau-Brunswick,
la Grand-Prée1, ancien établissement français à la Nouvelle-Ecosse, et le théâtre principal du drame de la dispersion des Acadiens, en 1755.
Un plé, masculin, (de
pratum, l'
r se muant en
l), est un terrain marécageux, où pousse une herbe sauvage, propre à la nourriture des bestiaux.
Une
plaierie, ou
plêerie, est une savane peu distincte du
plé (ou
plai).
Prée est féminin dans
Berthe (XIIIe siècle) : " en la prée ", et dans plusieurs autres auteurs anciens. En Berry et en Touraine également, je crois, où ce mot est, comme en Acadie, féminin, on dit
plaisie pour
plairie.
Nous trouvons
molue pour
morue dans Champlain (
Liv. I,
ch. 1), dans Lescarbot, dans la correspondance de plusieurs missionnaires et aussi dans Cotsgrave. Quelle qu'ait été la manière de prononcer ce mot, au commencement de la colonie, nous disons invariablement
morue, aujourd'hui, au Canada et en Acadie.
Un exemple assez curieux de la substitution de 1'
l à l'
r étymologique, est le mot
tempe que nous faisons masculin et prononçons
temple. La confusion est venue apparemment, dès l'origine, de l'analogie entre
tempe, dérivé de
tempora, et
temple dérivé de
templum. Ce n'est pas une déformation locale, particulière à l'Acadie. On a dit la
temple pour la
tempe, en France, au XVIIe siècle, et même longtemps auparavant, sinon toujours, puisqu'on le trouve écrit ainsi dans la
Chanson de Roland2, dans Ambroise Paré, dans Montaigne, dans Madame de Sévigny
1. – Grand, du latin grandis, était, en France, et est encore en Acadie, des deux genres : grand mère, grand vue, grand allée. Il s'écrivait, autrefois, tantôt avec un d, tantôt avec un t.
2. – " De son cervel li temple en est rumpant. "
" J'ai de leurs bontés mille exemples,
Voire par Dieu plaines mes temples. Eust DESCHAMPS.
Les Anglais ont trouvé le mot chez les Franco-Normands et l'ont conservé.